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4. Pathologie vasculaire et troubles circulatoires

Chapitre 4 Pathologie vasculaire et troubles circulatoires

Auteur : David Buob

 

Plan du chapitre

•   Stase sanguine/pathologie hémodynamique

•   Thrombose et maladie thrombo-embolique

•   Ischémie, infarctus, infarcissement hémorragique

•   Athérosclérose

•   Vascularites

 

Objectifs

•   Connaître les mécanismes physiopathologiques des troubles hémodynamiques et de la maladie thromboembolique. Définir les notions d'ischémie, d'infarctus blanc et rouge, et décrire les principales modifications macroscopiques et microscopiques associées. Connaître et expliquer l'évolution possible de ces lésions.

•   Définir l'athérosclérose, en connaître les facteurs de risque et les principales formes topographiques. Connaître la structure d'une plaque athéroscléreuse et ses complications évolutives.

•   Connaître les principes généraux de la classification des vascularites.

 

Stase sanguine/pathologie hémodynamique

Œdème

[1]L'œdème est une augmentation de la quantité d'eau dans le tissu interstitiel, conséquence d'une hyperhydratation extracellulaire.

•   Aspect macroscopique : les tissus et organes œdémateux sont mous et pâles ; après incision, ils peuvent laisser sourdre un écoulement de liquide légèrement rosé. Les œdèmes prédominent dans les parties déclives (œdèmes des chevilles en orthostatisme). Le tissu garde parfois l'empreinte du doigt à la pression (signe du godet). L'œdème peut intéresser les cavités naturelles de l'organisme, en particulier les séreuses (épanchement pleural, ascite). L'anasarque désigne un œdème généralisé.

•   Aspect microscopique : les anomalies microscopiques sont assez subtiles. Le tissu est infiltré par une sérosité pâle, très faiblement éosinophile, dissociant les éléments constitutifs normaux (cellules, fibres).

•   Physiopathologie : on distingue deux types d'œdèmes, selon qu'ils sont liés à des phénomènes hémodynamiques ou à un processus inflammatoire. Les principales causes des œdèmes sont résumées dans le tableau 04.01.

Les œdèmes hémodynamiques ou transsudats sont pauvres en protéines plasmatiques.

Ils peuvent résulter de plusieurs mécanismes (figure 04.01) :

•   augmentation de la pression hydrostatique dans le secteur veineux : soit œdème localisé par obstacle sur une veine, soit œdème généralisé par insuffisance cardiaque globale (voir plus loin le paragraphe dédié à la congestion passive) ;

•   diminution de la pression oncotique des protéines plasmatiques dans les états d'hypoprotidémie (malnutrition sévère, protéinurie massive, insuffisance hépatique grave) ;

•   rétention hydro-sodée (insuffisance rénale) ;

•   obstacle au drainage lymphatique (éléphantiasis).

Les œdèmes lésionnels ou exsudats sont riches en protéines plasmatiques.

Ils sont dus à une augmentation de la perméabilité endothéliale (phase initiale de l'inflammation) : œdème lésionnel pulmonaire au cours du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) de l'adulte, par exemple.

Conséquences des œdèmes : elles varient selon le siège et l'intensité de l'œdème :

•   compression gênant le fonctionnement d'un organe : trouble de la fonction ventriculaire au cours d'un hydropéricarde (tamponnade) ;

•   réaction inflammatoire (et surinfection) : complication possible des œdèmes prolongés ;

•   décès, si l'œdème se développe dans certaines localisations : œdème aigu de la glotte, du poumon (OAP), œdème cérébral.

Congestion

La congestion est une augmentation de la quantité de sang contenue dans des vaisseaux qui se dilatent.

La congestion peut être active ou passive (figure 04.02). Beaucoup de causes de congestion sont aussi des causes d'œdèmes, ce qui explique que les deux anomalies soient souvent associées.

Congestion active

La congestion active est la conséquence d'une augmentation de l'apport de sang artériel (hyperhémie) par vasodilatation active des artérioles de la microcirculation (figure 04.03).

Elle se traduit par une rougeur et une chaleur locales. Elle s'observe par mécanisme nerveux réflexe, par adaptation lors d'une sollicitation fonctionnelle accrue (muscle en exercice), lors de la phase initiale d'une inflammation et par la mise en jeu de médiateurs chimiques.

Congestion passive

La congestion passive est la conséquence d'un ralentissement du drainage sanguin veineux (stase).

Elle s'accompagne d'une dilatation passive des veines et capillaires et d'une diminution du débit sanguin. Le ralentissement du drainage veineux entraîne une hypoxie tissulaire : les cellules endothéliales sont les premières altérées, ce qui, associé à une augmentation locale de la pression hydrostatique, produit un œdème. Les organes sont froids et cyanotiques (aspect bleu violacé lié à la désaturation de l'hémoglobine).

La congestion passive peut être localisée, d'origine veineuse, liée à une stase, à une oblitération (thrombose) ou à une compression veineuse.

Elle peut aussi être généralisée, due à une insuffisance cardiaque. Les conséquences sont différentes selon le type d'insuffisance cardiaque.

Congestion liée à une insuffisance cardiaque gauche

Il s'agit d'une incapacité du cœur gauche à évacuer le sang veineux pulmonaire. Elle entraîne une élévation des pressions dans la circulation veineuse pulmonaire et des conséquences pathologiques prédominant au niveau du poumon (« poumon cardiaque»).

Si la stase est aiguë, elle entraîne un œdème aigu pulmonaire (OAP).

Lors d'un examen autopsique, les poumons sont lourds, crépitants, laissant échapper à la coupe un liquide « spumeux » (ressemblant à de l'écume), parfois hémorragique. Microscopiquement, les capillaires des cloisons alvéolaires sont congestifs et les alvéoles sont inondées par de l'œdème accompagné d'hématies.

Si la stase devient chronique, elle aboutit à une « induration brune des poumons » (poumons fermes et brunâtres à l'autopsie), irréversible. Microscopiquement, des sidérophages s'accumulent dans les alvéoles (l'hémosidérine provient de la dégradation des hématies dans les alvéoles) et s'accompagnent d'une fibrose au niveau des cloisons alvéolaires (ralentissant les échanges gazeux) et des parois vasculaires (accroissant l'hypertension dans la circulation pulmonaire).

Congestion liée à une insuffisance cardiaque droite ou globale

Elle entraîne une élévation des pressions dans l'oreillette droite, les veines caves et sus-hépatiques, avec des conséquences pathologiques prédominant au niveau du foie (« foie cardiaque »).

•   Si la stase est aiguë, le foie est gros, lisse, ferme, rouge sombre, laissant s'écouler à la coupe du sang noirâtre par les veines sus-hépatiques dilatées. Les tranches de section montrent une surface de coupe bigarrée (« foie muscade ») : un réseau rougeâtre se détache sur un fond jaune (figure 04.04). Microscopiquement, ce réseau correspond à une dilatation des veines et des capillaires centro-lobulaires. Si la stase est importante, l'hypoxie altère les hépatocytes centro-lobulaires, entraînant une stéatose puis une nécrose. Ces lésions hépatocytaires peuvent confluer d'une zone centro-lobulaire à une autre, mais respectent les zones péri-portales mieux oxygénées. Les lésions régressent avec le traitement de l'insuffisance cardiaque : le foie retrouve un volume normal et les pertes cellulaires sont compensées par la régénération hépatocytaire.

•   Si la stase devient chronique, apparaît une fibrose systématisée de la paroi des veines et capillaires centro-lobulaires, puis la fibrose devient mutilante, remplaçant les zones de nécrose hépatocytaire et englobant des dépôts d'hémosidérine.

Hémorragie

L'hémorragie est une issue de sang hors des cavités vasculaires.

•   Hémorragie artérielle : sang rouge vif, s'écoulant de manière saccadée.

•   Hémorragie veineuse : sang rouge sombre, s'écoulant de manière continue.

•   Hémorragie capillaire : en nappe.

Circonstances étiologiques

Elles sont multiples :

•   rupture des vaisseaux ou du cœur : traumatisme externe, rupture d'une paroi fragilisée par une pathologie antérieure (anévrisme artériel), rupture du myocarde par nécrose ischémique (infarctus), destruction d'une paroi artérielle par un processus pathologique extrinsèque (ulcère gastrique, tumeur) ;

•   érythrodiapédèse au travers de parois capillaires altérées : lésions de l'endothélium par des toxines bactériennes (au cours de septicémies), à l'occasion de coagulopathies de consommation (lors de divers états de choc) ou au cours de certaines inflammations localisées (dites « hémorragiques »).

Types anatomiques des hémorragies

•   Hémorragies extériorisées (externes) : hématémèse, méléna, rectorragies, épistaxis, hémoptysie, plaie cutanée.

•   Hémorragies collectées dans une cavité naturelle (hémothorax, hémopéricarde, hémopéritoine, hémosalpinx).

•   Hémorragies intratissulaires : hématomes (collection sanguine bien limitée), hémorragie interstitielle (ecchymose, purpura, pétéchies).

Évolution des hémorragies localisées

Les hémorragies tissulaires peu étendues évoluent progressivement vers la résorption et la guérison, avec réaction inflammatoire et dégradation locale de l'hémoglobine en hémosidérine et autres pigments dérivés de l'hème (« biligénie locale », expliquant le passage successif des ecchymoses par différentes couleurs). Les macrophages se chargent de pigment hémosidérinique (« sidérophages »).

Les hémorragies abondantes peuvent s'accompagner d'une nécrose tissulaire, à l'origine d'une réaction inflammatoire, aboutissant à un tissu fibreux cicatriciel tatoué d'hémosidérine, pouvant se calcifier.

En cas d'hématome volumineux, la détersion est souvent incomplète et une coque fibreuse se forme en périphérie d'une cavité contenant du sang dégradé (hématome « enkysté »). Dans une cavité séreuse, des dépôts de fibrine vont s'organiser en un tissu fibreux, épaississant les séreuses et ayant tendance à donner des adhérences entre les feuillets viscéraux et pariétaux.

Conséquences des hémorragies

Elles varient en fonction de leur importance et de leur siège.

•   Choc hypovolémique en cas d'hémorragie abondante et rapide.

•   Anémie ferriprive, si les hémorragies sont espacées dans le temps et lentes.

•   Destruction d'un tissu fonctionnellement vital pour l'organisme, dilacéré par l'hémorragie (hémorragie intracérébrale ou surrénalienne).

•   Compression gênant la fonction d'un viscère : hémopéricarde provoquant une insuffisance cardiaque aiguë par tamponnade, hématome extra-dural comprimant le cerveau.

État de choc

Le choc (ou collapsus cardio-vasculaire) est une défaillance circulatoire aiguë avec hypoperfusion généralisée des tissus. Il entraîne rapidement des lésions tissulaires par anoxie, initialement réversibles, mais dont la persistance aboutira à l'apparition de lésions tissulaires irréversibles et au décès.

Mécanismes des états de choc

Selon les mécanismes mis en jeu, les états de choc sont classés en :

•   choc hypovolémique, par diminution du volume sanguin : hémorragie, pertes plasmatiques des grands brûlés, pertes hydro-sodées par vomissements ou diarrhée ;

•   choc cardiogénique, par diminution du débit cardiaque : insuffisance cardiaque ; arrêt de la circulation cardiaque par embolie pulmonaire ;

•   choc par vasodilatation généralisée : choc septique, choc anaphylactique, choc toxique, choc neurogène (accident anesthésique, traumatisme médullaire).

Morphologie des lésions du choc

Il s'agit essentiellement de lésions liées à l'hypoxie tissulaire, d'abord réversibles, puis irréversibles, entraînant la mort cellulaire si l'état de choc se prolonge. Certains organes particulièrement sensibles à l'hypoxie sont préférentiellement touchés.

•   Système nerveux central : encéphalopathie ischémique plurifocale ou diffuse, puis ramollissement cérébral.

•   Myocarde : ischémie puis nécrose localisée ou diffuse.

•   Muqueuse intestinale : lésions ischémiques multifocales coexistant avec des territoires sains, ulcérations de stress.

•   Reins : signes de souffrance de l'épithélium tubulaire (très sensible à l'anoxie) avec, au maximum, nécrose des cellules (« nécrose tubulaire aiguë »).

•   Poumons : atteinte surtout sévère dans les états de choc septiques : dommage alvéolaire diffus, responsable d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë.

•   Foie : nécrose ischémique centro-lobulaire des hépatocytes, stéatose.

Thrombose et maladie thrombo-embolique

Thrombose

La thrombose correspond à la coagulation du sang dans une cavité vasculaire (cœur, artère, veine, capillaire) au cours de la vie.

Le thrombus ainsi formé exclut par définition :

•   les caillots sanguins formés post mortem ;

•   une collection de sang coagulé hors d'une cavité vasculaire (c'est un hématome).

Pathogénie de la formation du thrombus

Trois facteurs principaux, dont l'importance respective varie selon les situations pathologiques, interviennent dans la formation d'un thrombus. C'est la triade de Virchow (figure 04.05).

Facteur pariétal

Il s'agit d'une lésion de la paroi vasculaire aboutissant à une interruption de l'endothélium : elle permet le contact entre le sang et la matrice extracellulaire sous-endothéliale. Ce facteur est le seul qui soit nécessaire à la constitution d'une thrombose et qui soit suffisant à lui seul pour déclencher le processus thrombotique. Il est souvent isolé dans les thromboses artérielles et intracardiaques.

On inclut également dans les mécanismes pariétaux certaines conditions dans lesquelles il n'y a pas de véritable destruction endothéliale, mais une activation endothéliale pro-coagulante faisant perdre les propriétés de thrombo-résistance de l'endothélium (sous l'effet de toxines bactériennes, par exemple).

Les causes de cette lésion pariétale sont multiples :

•   athérosclérose ;

•   traumatismes : compression ou contusion vasculaire ;

•   turbulences circulatoires : au niveau des valvules ou des carrefours vasculaires (rôle surtout dans la constitution des thromboses artérielles et intracardiaques) ;

•   inflammation : artérites, phlébites, phénomènes septiques de voisinage.

Facteur hémodynamique

La stase (ralentissement de la circulation sanguine) est un facteur prédominant de la formation des thromboses veineuses. Elle entraîne également une souffrance endothéliale par hypoxie. Elle favorise surtout l'augmentation de taille d'une microthrombose déjà constituée.

Les causes de la stase sanguine sont nombreuses :

•   veines : varices, décubitus prolongé, immobilisation plâtrée ;

•   artères : anévrisme, hypotension.

Facteur sanguin

Le terme d'hypercoagulabilité regroupe l'ensemble des altérations des voies de la coagulation favorisant la thrombose. L'hypercoagulabilité est plus inconstamment impliquée dans la constitution des thromboses que les deux facteurs précédents, mais constitue un facteur de risque indéniable pour les patients qui en sont atteints. Parmi ses causes, on peut citer :

•   les maladies de la coagulation sanguine proprement dites, génétiques ou acquises ;

•   les états d'hyperviscosité sanguine (polyglobulie, hémoconcentration) ;

•   la contraception orale, l'hypercholestérolémie.

Morphologie du thrombus

Le thrombus récent

Il peut prendre des aspects variables, qui dépendent de son siège et de ses circonstances d'apparition.

Dans le cœur et les artères : il apparaît en général au niveau d'une lésion endothéliale (plaque athéroscléreuse le plus souvent) ou d'une zone de turbulences (anévrisme). Il adhère à la paroi vasculaire au niveau de la lésion d'origine, et a tendance à s'étendre de façon rétrograde.

Dans le système veineux : il siège habituellement dans une zone de stase sanguine et a tendance à s'étendre en suivant le sens du flux sanguin.

Dans sa forme typique, le thrombus veineux, constitué après plusieurs heures, comporte trois parties, caractérisant le thrombus fibrino-cruorique :

•   une tête : le thrombus blanc constitué de plaquettes et de fibrine adhérant à la paroi ;

•   un corps : le thrombus mixte constitué en alternance d'éléments figurés du sang (leucocytes, hématies, plaquettes) et de fibrine : aspect hétérogène et strié (stries de Zahn). Le mécanisme de cette alternance est expliqué par les turbulences consécutives à l'obstacle initial (tête) : il se crée une série d'ondes stationnaires où le sang est immobile et coagule (bandes rouges), alternant avec des zones de turbulences, où les plaquettes et la fibrine s'accumulent (bandes blanches) favorisant la coagulation sanguine dans la bande rouge suivante ;

•   une queue : le thrombus rouge, formé de sang plus ou moins bien coagulé avec peu de fibrine, flottant vers l'aval du vaisseau, parfois sur plusieurs centimètres de long.

Le degré d'oblitération du conduit vasculaire par le thrombus est variable : thrombus totalement oblitérant en cas de thrombus veineux ou capillaire, mais aussi des thrombus des artères de petit ou moyen calibre ; thrombus partiellement oblitérant ou mural pour les artères de gros et moyen calibre et le cœur.

Macroscopiquement, le thrombus est ferme, adhérent à la paroi et sec. Ces caractéristiques permettent, lors de la réalisation d'une autopsie, de le distinguer de caillots constitués post mortem. Ces derniers sont lisses, brillants, rouge sombre, moulés sur les cavités vasculaires, non-adhérents.

Évolution anatomique du thrombus

Si le thrombus n'est pas responsable du décès immédiat, les différentes évolutions suivantes peuvent être observées.

Thrombolyse

C'est la destruction du thrombus par les enzymes fibrinolytiques du plasma, avec restauration de la perméabilité vasculaire. C'est en fait une éventualité rare mais qui peut être provoquée par la thérapeutique. Elle est surtout possible dans le cas de thrombus de petite taille et récents.

Organisation du thrombus

C'est l'éventualité la plus fréquente. Il s'agit d'une organisation fibreuse qui débute à la 48e heure. Le thrombus est progressivement recouvert et pénétré par des cellules endothéliales (figure 04.06a), par des monocytes-macrophages et par des cellules musculaires lisses, provenant de la paroi vasculaire à laquelle il adhère. Le thrombus est remplacé par un tissu conjonctif contenant des fibres collagènes, des néo-capillaires sanguins et des macrophages chargés d'hémosidérine (figure 04.06b). Si le thrombus était mural, il va s'incorporer à la paroi vasculaire en se recouvrant progressivement de cellules endothéliales. Si le thrombus était oblitérant, les néo-vaisseaux sanguins qui parcourent le thrombus peuvent aboutir à une reperméabilisation de la lumière vasculaire qui reste le plus souvent incomplète. En l'absence de reperméabilisation, le thrombus organisé pourra éventuellement se calcifier, aboutissant à la constitution de phlébolithes au niveau de varices thrombosées, par exemple.

Migration du thrombus (embolie)

Il s'agit de la rupture de tout ou partie du thrombus (surtout de la queue, non adhérente) avec migration dans le courant sanguin, constituant une embolie. Ce phénomène constitue le risque évolutif principal des thromboses, notamment des thromboses veineuses profondes, ainsi que des thromboses des artères de gros calibre comme l'aorte ou des thromboses intracardiaques. La rupture est surtout précoce, dans les heures suivant la formation du thrombus, avant le stade d'organisation fibreuse qui fixe plus solidement le thrombus à la paroi.

Ramollissement du thrombus

Il s'agit d'une évolution rare, qui résulte de l'action des enzymes des polynucléaires présents dans le thrombus. Le ramollissement peut survenir sur un thrombus récent aseptique, et favoriser sa migration. Le ramollissement purulent (suppuration) est rare. Il correspond à l'infection primitive (par exemple dans le cas d'une endocardite) ou secondaire du thrombus par des bactéries, avec risque de désintégration-migration du thrombus et d'embolie septique.

Formes topographiques des thromboses

Thromboses veineuses

Le principal facteur déclenchant est la stase. Le ralentissement du courant veineux s'observe dans toutes les conditions de décubitus prolongé. Il peut être majoré par des troubles de la tonicité de la paroi veineuse (varices), par un ralentissement du débit cardiaque (insuffisance cardiaque) ou par une compression veineuse. Il peut être associé à des atteintes de l'endothélium par des toxines (thromboses des foyers inflammatoires et infectieux).

Les localisations les plus fréquentes sont les veines du mollet et les branches profondes de la veine fémorale.

Les principales conséquences sont la stase locale (œdème et troubles trophiques tissulaires) et le risque d'embolie pulmonaire pour les thromboses des veines profondes.

Thromboses intracardiaques

Elles peuvent être déclenchées par une stase : thrombus dans l'oreillette gauche en amont d'un rétrécissement mitral, thrombose auriculaire dans les fibrillations auriculaires. On retrouve souvent un facteur pariétal causal :

•   thrombus mural développé sur une zone d'infarctus du myocarde ;

•   thrombus sur les valvules cardiaques altérées par une infection bactérienne ; on appelle ces thrombus des « végétations » (figure 04.07) ;

•   thrombose sur prothèse valvulaire.

Le principal risque évolutif est l'embolie.

Thromboses artérielles

Elles sont essentiellement déclenchées par le facteur pariétal, c'est-à-dire l'altération de la paroi artérielle (au minimum l'altération du seul endothélium). La cause principale est l'athérosclérose. Moins fréquemment, elles peuvent être la conséquence d'atteintes inflammatoires primitives de la paroi artérielle (vascularite, figure 04.08) ou d'une déformation de la paroi (anévrisme).

Les localisations les plus fréquentes correspondent aux artères les plus touchées par l'athérosclérose : aorte, artères des membres inférieurs, coronaires (figure 04.09), carotides, artères rénales, artères mésentériques, artères cérébrales.

Les principales conséquences sont l'ischémie locale et le risque d'embolie dans la grande circulation.

Thromboses capillaires

Elles sont favorisées par la stase et par les lésions endothéliales (anoxie, état de choc ou effet de toxines). Elles sont généralement multiples, à l'occasion du syndrome de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Ce syndrome est caractérisé par la présence dans le lit vasculaire microcirculatoire de multiples thrombus fibrino-plaquettaires. Il est habituellement associé à un syndrome biologique de coagulopathie de consommation, avec pour conséquences des phénomènes hémorragiques diffus. Les étiologies de la CIVD sont variées : septicémie à bactéries Gram négatives, état de choc, traumatisme sévère, toxines (venins), etc. Les thrombus de la CIVD s'observent préférentiellement dans certains organes : poumons, glomérules rénaux, cerveau, foie.

Embolie

L'embolie est la circulation d'un corps étranger (exogène ou endogène) dans le courant circulatoire et son arrêt dans un vaisseau trop petit pour lui livrer passage. Le corps étranger prend le nom d'embole. Le point d'arrêt est déterminé par le lieu d'origine et par le diamètre de l'embole. Il en résulte que ce point se situe nécessairement dans une partie du système circulatoire sanguin où le calibre des vaisseaux va en diminuant : le système artériel (y compris pulmonaire).

À noter que les embolies sont également possibles dans le système circulatoire lymphatique, avec un rôle capital dans le processus métastatique.

Classification des embolies selon la nature de l'embole

Embole cruorique (thrombus sanguin)

Il correspond à la grande majorité des cas (95 %). Il s'agit d'un fragment de thrombus qui migre dans le courant circulatoire. Les thromboses les plus emboligènes sont les thromboses des veines des membres inférieurs et du pelvis, les thromboses cardiaques (risque augmenté si arythmie), les thromboses des anévrismes artériels et les thromboses artérielles à proximité d'une bifurcation (carotides).

Autres emboles, beaucoup plus rares

•   Athéromateux (synonyme : « emboles de cristaux de cholestérol ») : par migration à partir d'une plaque athéroscléreuse ulcérée.

•   Tumoral (néoplasique) : agrégat de cellules cancéreuses circulant dans le système lymphatique ou vasculaire sanguin, qui constitue le mode de dissémination à distance des tumeurs malignes (voir chapitre 6).

•   Gazeux : blessure vasculaire avec introduction d'air, accident de décompression.

•   Graisseux : il s'agit en fait souvent d'un embole de moelle osseuse à partir d'un foyer de fracture (figure 04.10).

•   Corps étranger (matériel médical, cathéter, etc.).

•   Infectieux : parasitaire, bactérien (ex. : embolie septique à partir d'une endocardite).

•   Amniotique.

Trajet des emboles

Trajet normal

L'embole s'arrête en aval de son point de départ dans un vaisseau de diamètre insuffisant pour le laisser passer.

À partir de thromboses des veines de la grande circulation (veines des membres inférieurs, plexus pelviens, veine cave inférieure) : l'embole remonte vers le cœur droit, et se bloque dans une branche de l'artère pulmonaire. Si l'embole est volumineux, il se bloque dans le tronc de l'artère pulmonaire ou dans l'artère pulmonaire droite ou gauche. Les emboles plus petits, souvent multiples, se bloquent dans des petites artères pulmonaires distales intraparenchymateuses.

À partir de thromboses des cavités cardiaques gauches (oreillette, ventricule) et des artères (aorte, iliaque, carotide) les emboles cheminent dans la grande circulation. L'embole s'arrête dans une artère du cerveau, des reins, de la rate, des membres inférieurs, etc.

Trajet anormal

Exceptionnellement, l'embole suit un trajet anormal : c'est l'embolie paradoxale.

L'embole court-circuite le système artériel pulmonaire et passe du système veineux (cœur droit) vers le système artériel (cœur gauche) en empruntant une communication anormale entre les cavités cardiaques (communication inter-auriculaire), souvent à l'occasion d'une inversion du flux au travers de la communication par augmentation de pression dans l'oreillette droite, lors d'une embolie pulmonaire.

Conséquences des embolies

Elles sont avant tout déterminées par le siège de l'embolie et par la taille de l'embole. Dans les embolies non cruoriques, la nature de l'embole peut avoir des conséquences particulières.

Conséquences des embolies selon le siège et la taille de l'embol

Embolie pulmonaire

Mort subite : par embolie massive dans le tronc de l'artère pulmonaire (l'interruption de la circulation entraîne l'arrêt cardiaque).

Insuffisance cardiaque droite aiguë si une seule artère pulmonaire ou grosse branche artérielle est occluse (figure 04.11).

Insuffisance cardiaque chronique (appelée « cœur pulmonaire chronique ») à la suite de multiples petites embolies pulmonaires distales souvent passées inaperçues (la réduction du lit vasculaire entraîne une augmentation des résistances pulmonaires et une hypertension artérielle pulmonaire).

On considère que plus de 60 % des embolies pulmonaires sont cliniquement silencieuses : l'embole, de petite taille, touche une artère pulmonaire de petit calibre, sans conséquence en aval (pas d'infarctus). L'embole s'organise selon un processus similaire à celui décrit précédemment pour un thrombus et est incorporé à la paroi artérielle.

Embolie artérielle

Elle entraîne en règle générale l'apparition, en aval du point d'arrêt de l'embole, de phénomènes ischémiques aigus aboutissant à un infarctus (voir plus loin).

Conséquences des embolies selon la nature de l'embol

Selon la nature de l'embolie, certaines conséquences particulières sont observées plus fréquemment :

•   embolie graisseuse multiple (après une fracture du fémur, par exemple) : détresse respiratoire aiguë, lésions ischémiques cérébrales ;

•   embolie gazeuse : lésions d'ischémie cérébrale ;

•   embolie amniotique sévère : risque de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ;

•   embolies tumorales : développement d'une métastase au point d'arrêt des emboles ;

•   embolie septique : formation d'un foyer infectieux suppuré au point d'arrêt de l'embole.

Ischémie, infarctus, infarcissement hémorragique

Ischémie

Définition

L'ischémie est une diminution (ischémie relative) ou abolition (ischémie complète) de l'apport sanguin artériel dans un territoire limité de l'organisme.

Elle provoque une hypoxie (diminution relative de l'oxygène délivré au tissu par rapport à ses besoins) ou, selon son degré de sévérité, une anoxie (suppression de l'apport d'oxygène au tissu).

Causes des ischémies

Ce sont toutes les causes d'oblitération partielle ou totale d'une lumière artérielle, parfois intriquées : athérosclérose, vascularite, thrombose, embolie, compression extrinsèque, spasme artériel prolongé, dissection artérielle.

Les conséquences d'une oblitération partielle d'une lumière artérielle peuvent être aggravées par des conditions générales : chute du débit cardiaque ou anémie profonde, par exemple.

Facteurs influençant le retentissement de l'ischémie

•   L'intensité et la durée de l'ischémie.

•   La sensibilité du tissu et du type cellulaire à l'anoxie : les neurones sont très sensibles à l'ischémie (lésions irréversibles après 3 à 5 min d'anoxie), de même que le myocarde (20–30 min) et les cellules épithéliales.

•   La possibilité d'une circulation de suppléance : les organes naturellement riches en anastomoses (estomac, intestin), ou pourvus d'une double circulation (poumons, foie) seront plus résistants.

•   La rapidité d'installation : une ischémie brutale ne laisse pas le temps à une circulation de suppléance de se développer. Si elle se prolonge, elle entraîne des lésions irréversibles de nécrose tissulaire. Une ischémie partielle, chronique, permet l'installation progressive d'une circulation de suppléance et est responsable de lésions d'atrophie et de fibrose progressives.

Conséquences de l'ischémie

Elles dépendent des facteurs qui viennent d'être cités. Schématiquement :

•   une ischémie complète et étendue sera responsable d'une nécrose complète du territoire d'ischémie : infarctus, ramollissement, gangrène ;

•   une ischémie incomplète et transitoire s'accompagnera de douleurs intenses mais transitoires survenant lors de la phase ischémique, et auxquelles correspondent divers termes de séméiologie : claudication intermittente d'un membre inférieur, angor d'effort, angor intestinal ;

•   une ischémie incomplète et chronique entraînera l'apparition d'une atrophie avec remplacement progressif du tissu par de la fibrose (ex. : sténose de l'artère rénale responsable d'une atrophie rénale).

Infarctus

Définition

L'infarctus est un foyer circonscrit de nécrose ischémique dans un viscère, consécutif à une obstruction artérielle complète et brutale.

Historiquement, ce terme a été choisi par Laennec pour décrire la lésion dans le poumon (du latin infarcere – « remplir de sang »). En fait, beaucoup d'infarctus ne sont pas associés à une inondation hémorragique du territoire nécrosé. Il existe ainsi deux variétés d'infarctus.

Variétés morphologiques d'infarctus

Infarctus blanc

L'infarctus blanc est un territoire de nécrose ischémique exsangue, dans un organe plein, par obstruction d'une artère terminale. Le territoire atteint subit une nécrose de coagulation.

Ce type d'infarctus peut toucher le cœur, les reins, la rate, le cerveau, etc.

Aspects macroscopiques

On peut distinguer plusieurs phases :

•   de 6 à 48 heures, la lésion devient progressivement visible. Elle correspond à un territoire de distribution artérielle (forme pyramidale à base périphérique), plus pâle et plus mou que le reste de l'organe, devenant progressivement plus nettement blanc ou jaunâtre et entouré d'un liseré congestif rouge ;

•   au cours des 1re et 2e semaines : les limites de l'infarctus sont de plus en plus nettes, sa surface est déprimée par rapport au tissu sain. Il est entouré d'un tissu mou et rouge (tissu de granulation inflammatoire, puis bourgeon charnu) (figure 04.12) ;

•   à partir de la 3e semaine, se constitue progressivement une cicatrice blanchâtre, fibreuse, avec amincissement et rétraction de la zone lésée (figure 04.13).

Aspects microscopiques

•   Avant 6 heures (stade précoce), il n'y a pratiquement pas d'anomalie microscopique visible avec les techniques de microscopie optique conventionnelle : les lésions microscopiques sont peu marquées, sans spécificité.

•   De 6 à 48 heures, on observe une nécrose de coagulation, conservant les contours cellulaires, progressivement entourée par une réaction inflammatoire aiguë, riche en polynucléaires.

•   Pendant le reste de la 1re semaine, le territoire nécrosé subit une détersion progressive, centripète, par des macrophages, avec remplacement du tissu nécrosé par un bourgeon charnu.

•   Après 1 à 2 semaines, débute la cicatrisation : organisation conjonctive, fibrose.

Exemple : le cœur

L'infarctus du myocarde présente une importance particulière du fait de sa grande fréquence et de sa gravité. Sa cause principale est l'athérosclérose coronaire. L'étendue peut être variable selon le calibre de la coronaire atteinte. La distribution de l'infarctus dans l'épaisseur de la paroi est aussi variable : infarctus transmural (occupant toute l'épaisseur de la paroi) ou sous-endocardique (limité aux couches les plus internes). En dehors des troubles de la fonction ventriculaire (insuffisance cardiaque, troubles du rythme), les complications locales principales en sont : la thrombose murale intracavitaire, la rupture de pilier avec insuffisance valvulaire aiguë, la rupture pariétale avec hémopéricarde, la péricardite, l'anévrisme ventriculaire.

Formes topographiques et évolutives

•   Ramollissement : désigne un infarctus blanc cérébral (qui prend très rapidement une consistance très molle).

•   Gangrène « sèche » : infarctus localisé d'une extrémité (orteil, membre, nez, oreille) consécutif à l'oblitération d'une artère terminale.

•   Suppuration : par surinfection ou lors d'un infarctus après migration d'embole septique.

Infarctus rouge

L'infarctus rouge est un territoire de nécrose ischémique par obstruction d'une artère terminale dans lequel apparaît secondairement une inondation hémorragique en raison d'une double circulation ou d'une abondante circulation collatérale.

Ce type d'infarctus touche notamment :

•   les poumons, qui disposent d'une double vascularisation artérielle (pulmonaire et bronchique) ;

•   l'intestin grêle, irrigué par une importante circulation collatérale.

Cette circulation collatérale ou complémentaire est insuffisante pour éviter la nécrose ischémique. L'inondation hémorragique des infarctus rouges pourrait également être secondaire par un reflux de sang veineux favorisé par une structure lâche de l'organe (poumon).

Aspects macroscopiques et microscopiques

Dans le poumon : la cause essentielle est l'embolie pulmonaire. Le territoire d'infarctus est initialement rouge sombre, plus ferme que le tissu adjacent. Comme pour tout infarctus situé dans un organe plein, il est typiquement de forme pyramidale, à base périphérique (versant pleural) (figure 04.14). Histologiquement, on observe une nécrose de coagulation laissant persister l'architecture alvéolaire pré-existante, avec infiltration hémorragique massive du tissu. L'évolution est semblable à celle d'un infarctus blanc, mais la cicatrice restera pigmentée, englobant des macrophages chargés de pigment hémosidérinique.

Dans l'intestin grêle : l'obstruction touche le plus souvent une branche de l'artère mésentérique supérieure (thrombose sur plaque athéroscléreuse pré-existante ou embolie) entraînant une nécrose ischémique des anses intestinales situées dans le territoire correspondant, secondairement inondée de sang provenant de la circulation collatérale. Ce segment intestinal est noirâtre ou violacé, à paroi épaissie mais fragile (figure 04.15).

Évolution

•   Au niveau pulmonaire, risque de surinfection.

•   Au niveau intestinal, risque majeur de péritonite par perforation (urgence chirurgicale).

Infarcissement hémorragique

L'infarcissement hémorragique est une nécrose viscérale hémorragique par obstruction d'une veine de drainage.

C'est le degré maximum de l'anoxie due à une stase veineuse. Il n'y a pas d'obstruction artérielle. Il est causé par une thrombose veineuse (intestin : thrombose de la veine mésentérique) ou une compression veineuse (ex. : torsion d'un pédicule vasculaire au cours d'un volvulus). Il siège notamment au niveau de l'intestin grêle et du mésentère, du poumon, du cerveau, du testicule.

Les caractéristiques macroscopiques et microscopiques sont souvent impossibles à distinguer de celles d'un infarctus rouge. L'évolution est identique.

Athérosclérose

L'athérosclérose est une association variable de remaniements de l'intima des artères de gros et moyen calibre, consistant en une accumulation focale de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissus fibreux et de dépôts calciques, le tout s'accompagnant de modifications de la média (définition de l'OMS de 1957).

L'athérosclérose est une maladie extrêmement fréquente, notamment dans les pays industrialisés, dont les répercussions cliniques sont très variables (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, embolie, thrombose, etc.) : il s'agit donc d'un problème majeur de santé publique.

N.B. : étymologie de l'athérosclérose = athérome + sclérose. L'athérome (du grec athere : bouillie) désigne la partie lipidique ; la sclérose (du grec scleros : dur) est un terme macroscopique ancien désignant la fibrose (voir chapitre 3).

 

Rappel histologique

Une artère est constituée de trois tuniques : l'intima (endothélium et zone sous-endothéliale), séparée par la limitante élastique interne de la média (tunique épaisse constituée de cellules musculaires lisses et de fibres élastiques) et l'adventice (figure 04.16).

Épidémiologie

Les facteurs de risque de l'athérosclérose sont :

•   l'âge : l'athérosclérose est la plus commune des maladies artérielles et l'une des principales causes de décès au-delà de 40 ans dans les pays industrialisés. Cette affection peut débuter très précocement dès les premiers mois de la vie et évoluer insidieusement, si bien qu'avec le vieillissement, tous les individus sont porteurs de lésions athéroscléreuses, mais avec une extension et une sévérité extrêmement variables de l'un à l'autre ;

•   le sexe : l'homme est plus touché que la femme. Les lésions s'aggravent chez la femme après la ménopause ;

•   l'alimentation : alimentation riche en graisses animales et en protéines ;

•   le mode de vie : surmenage et stress ; tabagisme ; sédentarité ;

•   facteurs métaboliques et maladies associées : diabète, hypertension, obésité, hyperlipoprotéinémies, hypothyroïdie ;

•   facteur génétique : le risque d'infarctus du myocarde est 5 fois plus élevé que pour l'ensemble de la population si le père ou la mère a précocement souffert d'athérosclérose coronarienne.

Formes topographiques

Les lésions siègent sur l'aorte et sur les grosses et moyennes artères (carotides internes, coronaires, sous-clavières, artères rénales, etc.) et prédominent plus particulièrement dans les zones de turbulence : bifurcations, coudures, naissance des collatérales (ostia) et segments d'artère « fixés » au squelette (ex. : l'aorte sous-diaphragmatique).

Sur l'aorte : le segment abdominal sous-diaphragmatique est le plus touché notamment au niveau du carrefour aortique. Sur l'aorte thoracique, le segment ascendant et le sommet de la crosse sont surtout intéressés.

Sur les artères cervico-céphaliques : les lésions touchent les artères carotides et vertébrales, dans leur trajet cervical et intracrânien.

Au niveau des viscères : les lésions se développent sur les premiers centimètres du vaisseau (coronaires, artères rénales, artères mésentériques, etc.) (figure 04.17).

Au niveau des membres : les lésions atteignent surtout les membres inférieurs et peuvent s'étendre jusqu'à mi-jambe. L'atteinte des membres supérieurs est rare.

Au niveau des artères pulmonaires : il n'existe des lésions d'athérosclérose qu'en cas d'hypertension artérielle pulmonaire associée.

Remarque : il n'existe jamais d'athérosclérose sur les segments veineux sauf sur les greffons veineux (utilisés pour remplacer un segment artériel lésé) après un phénomène appelé « artérialisation veineuse ».

Formes anatomopathologiques

Classifications macroscopique et histologique des lésions de l'athérosclérose

Sur le plan macroscopique, l'OMS propose les quatre grades suivants :

•   grade I : stade débutant constitué surtout de stries lipidiques ;

•   grade II : plaques athéroscléreuses non compliquées ;

•   grade III : plaques ulcérées avec hémorragies ;

•   grade IV : plaques massivement calcifiées et ulcérées.

Sur le plan histologique, l'American heart association (AHA) a proposé dès 1995 les types évolutifs ci-dessous :

•   lésions précoces :

type I : présence de quelques macrophages spumeux sous-endothéliaux visibles en microscopie dans l'intima,

type II : strie lipidique (visible macroscopiquement) correspondant à des amas d'histiocytes spumeux dans l'intima, plus nombreux que précédemment ;

•   lésions intermédiaires : type III : accumulation de lipides extracellulaires en faible quantité ;

•   lésions avancées :

type IV : apparition d'un centre lipidique, avec cristaux de cholestérol, sans fibrose,

type V : plaque athéroscléreuse fibro-lipidique classique,

type VI : plaque athéroscléreuse compliquée (VIa : ulcération, VIb : hémorragie, VIc : thrombose).

Ces formes sont décrites ci-après en suivant l'histoire naturelle des lésions. Certaines lésions initiales peuvent régresser tandis que d'autres progresseront vers des lésions constituées.

Lésions initiales de la maladie

Point et strie lipidique

•   Macroscopie : le point lipidique est une élevure jaunâtre inférieure à 1 mm ; la strie lipidique est une fine traînée jaunâtre à peine saillante, allongée dans le sens du courant sanguin, mesurant quelques millimètres. Ces stries peuvent s'anastomoser, prenant un aspect « réticulé ».

•   Microscopie : le point et la strie sont formés par des amas de cellules lipophagiques, situées dans l'intima. Ces « lipophages » sont des macrophages dont les cytoplasmes se chargent de graisses (cholestérol en particulier) ce qui leur donne un aspect clarifié et microvacuolisé dit « spumeux » (figure 04.18).

Ces lésions, qui n'entraînent aucune manifestation clinique, peuvent s'observer avant l'âge d'un an et culminent en extension et incidence à l'adolescence. Elles peuvent soit régresser et disparaître, soit évoluer progressivement vers les autres lésions de l'athérosclérose.

Plaque gélatineuse

•   Macroscopie : plaque grisâtre et translucide sur l'intima, de 0,5 à 1 cm de diamètre.

•   Microscopie : œdème sous-endothélial dépourvu de lipides.

Cette lésion est due à un « insudat », c'est-à-dire au passage de plasma sous l'endothélium par augmentation de la perméabilité endothéliale.

Cette lésion peut régresser, se transformer en plaque fibreuse ou bien se charger en lipides et se transformer en plaque d'athérosclérose.

La lésion constituée de la maladie : la plaque d'athérosclérose

•   Macroscopie : lésion lenticulaire de 0,5 à 3 cm de diamètre, à surface lisse, jaunâtre, devenant à surface irrégulière et grisâtre lorsque la taille augmente (figure 04.19).

•   Microscopie : la lésion est formée d'un centre constitué de cellules « spumeuses » et de nécrose riche en cristaux de cholestérol extra-cellulaires (« bouillie lipidique » = athérome) et d'une fibrose périphérique entourant cette zone. Cette fibrose se densifie progressivement entre la nécrose centrale et l'endothélium et en dissociant la média dans les zones profondes (figure 04.20).

Les lésions d'athérosclérose constituées vont évoluer avec le temps et s'étendre progressivement, notamment par confluence de différentes plaques.

Au cours de son évolution, la plaque peut se calcifier, c'est-à-dire s'imprégner de sels calcaires et donner un aspect en « coquilles d'œuf » (visible sur les radiographies).

Complications de l'athérosclérose

Ulcération de la plaque

L'ulcération correspond à une destruction partielle du revêtement de la plaque (endothélium + tissu fibreux), qui met en contact le sang et le milieu interstitiel. Cette ulcération se produit soit au centre d'une plaque non calcifiée soit à la périphérie d'une plaque calcifiée (figure 04.21). Elle est plus ou moins profonde, depuis une érosion superficielle jusqu'à une véritable rupture de la plaque.

Hémorragie et hématome intraplaque

Du sang sous pression peut s'engouffrer dans la brèche créée par l'ulcération entraînant ainsi un élargissement de la brèche et la formation d'un hématome dans la plaque d'athérome. Un autre mécanisme physiopathologique est représenté par la rupture de néo-vaisseaux intraplaque, réalisant un hématome.

Thrombose sur plaque

Un thrombus se forme au contact d'une ulcération de la plaque. Cette thrombose peut être :

•   murale en cas de calibre important du vaisseau et de la rapidité du courant sanguin (ex : au niveau de l'aorte thoracique) ; la thrombose se développe alors préférentiellement le long de la paroi (« mur ») vasculaire, ne sténosant que peu la lumière ;

•   oblitérante lorsque le calibre du vaisseau est plus réduit (ex. : certaines thromboses coronariennes).

Toutefois, certaines thromboses oblitérantes peuvent s'observer au niveau du carrefour aortique dans les zones où le courant sanguin se ralentit, et ce malgré le calibre large du vaisseau (figure 04.22). Ces thromboses ont des répercussions sur les organes et les tissus situés en aval.

Une thrombose oblitérante est responsable de phénomènes ischémiques aigus et d'une nécrose (infarctus).

Une thrombose murale peut être responsable de phénomènes ischémiques chroniques (hypotrophie de l'organe, fibrose) ou d'un infarctus si elle est brutale et importante.

Embolies et leurs conséquences

Il peut s'agir soit d'emboles de type « athéromateux » à partir d'une plaque ulcérée (réalisant parfois un syndrome des emboles cholestéroliques), soit d'emboles fibrinocruoriques à partir d'un thrombus. Ces embolies ont des conséquences ischémiques sur les tissus et organes situés en aval (peau, rein, cerveau, extrémités).

Anévrisme

Il s'agit d'une dilatation d'un vaisseau, avec une perte de parallélisme de ses parois. Les anévrismes sont dus à l'amincissement pariétal avec destruction des lames élastiques et des cellules musculaires lisses de l'artère. Les anévrismes athéromateux prédominent sur l'aorte abdominale et sont fréquemment le siège de thrombose, avec création d'embole, de fissure et risque de rupture (figure 04.23).

Corrélations anatomocliniques

Les manifestations cliniques en rapport avec la présence d'une plaque athéroscléreuse sont très inconstantes et les corrélations imprécises, ce qui rend difficile la prévision des manifestations cliniques en fonction de la taille et de l'évolution d'une plaque.

Schématiquement, les plaques sténosantes sont associées à une symptomatologie apparaissant à l'effort (angor d'effort, claudication intermittente). Les plaques compliquées sont responsables d'une symptomatologie paroxystique : infarctus du myocarde, mort subite, angor de repos, accident vasculaire cérébral, etc. Ces manifestations sont cependant inconstantes et une plaque compliquée peut rester asymptomatique.

Formes anatomocliniques

Athérosclérose aortique

L'atteinte principale se situe au niveau de l'aorte sous-diaphragmatique (ou aorte abdominale). Cette atteinte peut être associée, chez l'homme, à un syndrome du carrefour aortique associant une insuffisance circulatoire des membres inférieurs (claudication intermittente, cyanose des téguments et abolition des pouls) et une impuissance sexuelle.

Athérosclérose périphérique

C'est l'athérosclérose des artères viscérales, des collatérales de l'aorte et des artères des membres inférieurs. Les conséquences sont en relation directe avec la topographie de l'atteinte artérielle :

•   coronaires : angor et infarctus du myocarde ;

•   carotides et polygone de Willis : accident vasculaire cérébral ;

•   artères rénales : hypertension artérielle secondaire ;

•   artères des membres inférieurs : claudication intermittente et gangrène sèche ;

•   artères mésentériques : angor intestinal.

Histogenèse/Physiopathologie

On considère actuellement que la formation d'une lésion athéroscléreuse débute par la pénétration de lipoprotéines athérogènes dans l'espace sous-endothélial. Cette diffusion des lipoprotéines, pour laquelle il n'est pas indispensable que l'endothélium soit lésé, a lieu préférentiellement au niveau de zones soumises à un flux sanguin perturbé, ce qui explique la topographie hétérogène des plaques. Un phénomène complexe va ensuite permettre la rétention des lipoprotéines dans l'espace sous-endothélial de l'intima. Les lipoprotéines ainsi piégées sont alors l'objet de modifications, notamment par oxydation (des LDL en particulier), qui ont deux grandes conséquences : une réaction inflammatoire qui va s'amplifier et la formation de cellules spumeuses. La présence de LDL oxydés dans l'espace sous-endothélial induit la pénétration des cellules inflammatoires (monocytes et lymphocytes T) dans la paroi artérielle qui vont entretenir un processus inflammatoire qui stimulera le développement de la plaque (on peut donc considérer l'athérosclérose comme une forme de maladie inflammatoire des grosses artères – sans qu'elle ne soit cependant classée parmi les vascularites). Différents facteurs chimiotactiques et facteurs de croissance libérés par les leucocytes activés induisent la migration, à partir de la média, de cellules musculaires lisses qui prolifèrent dans l'intima et entourent progressivement le centre constitué de lipides, de cellules en apoptose et de cellules nécrosées. Les cellules musculaires lisses passent d'un phénotype différencié contractile à un phénotype dédifférencié sécrétoire avec production de protéines de la matrice extracellulaire , ce qui aboutit à la formation de la chape fibreuse (figure 04.24).

Autres lésions histologiques artérielles

•   La hyalinose : il s'agit d'un épaississement intimal caractérisé en microscopie optique par un aspect homogène, vitreux et éosinophile. Elle est assez fréquente chez les sujets âgés et est plus étendue et plus sévère chez les sujets hypertendus. Elle est également fréquente chez les patients diabétiques chez qui elle est un élément de la microangiopathie diabétique.

•   La nécrose fibrinoïde : il s'agit d'une nécrose éosinophile et homogène de la paroi artérielle s'observant essentiellement au cours des vascularites (voir plus loin).

•   L'artériosclérose : il s'agit d'un épaississement fibreux de l'intima sans dépôt lipidique, entrant dans le cadre des modifications liées au vieillissement ou à l'hypertension artérielle, extrêmement fréquent. Son extension est plus diffuse que celle de l'athérosclérose.

•   La médiacalcose (ou maladie de Mönckeberg) est une surcharge calcique de la média, s'observant surtout chez les sujets diabétiques ou avec troubles du métabolisme calcique. Les calcifications apparaissent initialement sur la limitante élastique interne puis s'étendent à toute la média.

Vascularites

Les vascularites sont des maladies caractérisées par une atteinte inflammatoire de la paroi vasculaire.

L'étiologie, les mécanismes pathogéniques, les symptômes cliniques, la nature (artère, artériole, capillaire, veine, veinule) et le calibre des vaisseaux atteints sont variables d'une vascularite à l'autre. De nombreux organes et tissus peuvent être concernés : rein, peau, poumon, système nerveux central, cœur, muscles, etc. Tous ces items peuvent être utilisés pour la classification des vascularites. Les vascularites sont le plus souvent des maladies dysimmunitaires dont le traitement repose sur l'administration d'immunosuppresseurs.

Classification des vascularites

Principes généraux

Les classifications des vascularites sont basées sur des critères cliniques, biologiques, radiologiques et anatomopathologiques.

Les critères histologiques comprennent :

•   le calibre des vaisseaux concernés :

•   gros vaisseaux : aorte et ses branches de division,

•   vaisseaux de moyen calibre : artères et veines viscérales principales et leurs premières branches ;

•   vaisseaux de petit calibre : artères et veines intra-parenchymateuses, artérioles et veinules, capillaires

•   la nature de l'atteinte vasculaire (nature de l'infiltrat inflammatoire, présence d'une nécrose fibrinoïde de la paroi vasculaire, granulome extravasculaire).

Classification

La classification de Chapel Hill est la classification la plus utilisée actuellement (tableau 04.02). Elle repose notamment sur le calibre des vaisseaux touchés par chacune des vascularites.

Vascularites intéressant les vaisseaux de gros calibre

Artérite à cellules géantes (maladie de Horton)

L'artérite à cellules géantes survient chez des patients de plus de 50 ans, s'accompagne d'un syndrome inflammatoire biologique et, fréquemment, d'une pseudo-polyarthrite rhizomélique. Elle touche l'aorte et ses principales branches de division, atteignant avec prédilection les branches de la carotide externe, en particulier l'artère temporale. Le caractère superficiel de ce segment artériel fait de la biopsie d'artère temporale le site classique du prélèvement à visée diagnostique.

Il s'agit d'une panartérite oblitérante segmentaire dont les lésions prédominent au niveau de la partie interne de la média et comportent une infiltration inflammatoire macrophagique et lymphocytaire avec une réaction giganto-cellulaire (qui donne son nom à cette vascularite) inconstante. Il s'y associe une tendance thrombosante avec occlusion complète ou incomplète de la lumière artérielle (figures 04.25 et 04.26).

Maladie de Takayasu

La maladie de Takayasu appartient aussi au cadre des artérites gigantocellulaires. Elle touche l'aorte et ses principales branches de division (crosse aortique surtout) et survient chez des patients jeunes, de moins de 50 ans. Cette vascularite se caractérise par des lésions segmentaires, souvent multifocales.

Vascularites intéressant les vaisseaux de moyen calibre

Périartérite noueuse (PAN)

La périartérite noueuse est une vascularite nécrosante rare touchant les artères de moyen et de petit calibre ; la PAN ne touchant pas les capillaires, elle ne cause jamais de glomérulonéphrite (figure 04.27). Elle survient à tous les âges, et s'associe à un important syndrome inflammatoire et souvent à l'infection par le virus de l'hépatite B. Les lésions portent sur les trois tuniques : nécrose fibrinoïde de la média, infiltrat inflammatoire pan-pariétal et éventuelle thrombose de la lumière.

Maladie de Kawasaki

Il s'agit d'une vascularite survenant chez l'enfant (première vascularite infantile), intéressant les vaisseaux de moyen calibre, associée à un syndrome lympho-cutanéo-muqueux. L'atteinte des coronaires est fréquente et peut être responsable d'anévrismes coronaires.

Vascularites intéressant les vaisseaux de petit calibre

C'est un groupe vaste et hétérogène de vascularites.

Vascularites associées aux anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) (figure 04.28)

Granulomatose avec polyangéite (maladie de Wegener)

La granulomatose avec polyangéite (GPA) est une vascularite nécrosante des vaisseaux de petit calibre associée à une granulomatose siégeant au niveau de l'appareil respiratoire (ORL et pulmonaire) ; elle entraîne fréquemment une glomérulonéphrite nécrosante avec prolifération extra-capillaire.

Aspects cliniques

La GPA touche les voies aériennes supérieures et inférieures, le parenchyme pulmonaire et les reins. Le plus souvent, les manifestations rénales suivent l'atteinte extra-rénale. La GPA peut éroder les sinus, les fosses nasales ou l'oreille moyenne et l'affection peut débuter par une otite, une rhinite chronique ou des crachats hémoptoïques. L'imagerie pulmonaire met en évidence des opacités nodulaires multiples, habituellement bilatérales, souvent avec cavitation.

On retrouve des anticorps anti-polynucléaires neutrophiles (ANCA) dirigés contre la protéinase 3 (anti-PR3).

Aspects anatomopathologiques

En microscopie les lésions sont l'inflammation granulomateuse nécrosante et la vascularite nécrosante. L'inflammation granulomateuse nécrosante concerne essentiellement les voies respiratoires supérieures ; la nécrose a une bordure irrégulière, à contours « géographiques », accompagnée par une inflammation granulomateuse faite d'histiocytes disposés en palissade et de cellules géantes multinucléées. Il s'y associe une infiltration cellulaire polymorphe contenant des lymphocytes, des plasmocytes et des fibroblastes. Les lésions sont angiocentriques touchant à la fois les artères et les veines. Les lésions de vascularite nécrosante associent inflammation transmurale, c'est-à-dire intéressant l'ensemble des tuniques, et nécrose de la média et des lames élastiques. La lésion rénale caractéristique est une glomérulonéphrite nécrosante avec croissants (prolifération extra-capillaire).

Polyangéite microscopique

La polyangéite microscopique est une vascularite nécrosante des petits vaisseaux entraînant fréquemment à une glomérulonéphrite nécrosante et une capillarite pulmonaire (pouvant être responsable d'hémorragies intra-alvéolaires). À la différence de la GPA, il n'y a pas de granulomatose nécrosante des voies aériennes supérieures et les ANCA sont de type anti-MPO.

Granulomatose éosinophilique avec polyangéite (syndrome de Churg et Strauss)

C'est une vascularite des vaisseaux de petit calibre avec inflammation granulomateuse de l'appareil respiratoire et infiltration éosinophilique (asthme et hyperéosinophilie) ; la granulomatose éosinophilique avec polyangéite est plus rare que la GPA et la polyangéite microscopique.

Purpura rhumatoïde (de Henoch-Schönlein)

Il s'agit d'une vascularite nécrosante avec dépôts d'IgA au niveau des capillaires, veinules et artérioles, atteignant typiquement la peau, le tube digestif et les reins (glomérulonéphrite). Les arthralgies et les arthrites sont fréquentes. Le purpura rhumatoïde est caractérisé par des dépôts d'IgA et plus accessoirement de C3, au niveau des vaisseaux atteints (derme, mésangium glomérulaire) ; ces dépôts sont détectés par l'examen en immunofluorescence d'une biopsie. Les manifestations digestives et articulaires sont habituellement contemporaines de l'atteinte cutanée.

Cryoglobulinémie

C'est une vascularite avec dépôts d'immunoglobulines affectant les capillaires, les veinules et les artérioles, associée à une cryoglobulinémie (le plus souvent secondaire à une hépatite C). La peau et les reins (glomérulonéphrite) sont les cibles principales. Les cryoglobulines sont des protéines capables de précipiter à froid et de se re-dissoudre à la chaleur. Les principaux composants des cryoglobulines sont des immunoglobulines. La physiopathologie des atteintes relève de deux mécanismes : l'hyperviscosité sanguine, responsable de manifestations cutanées favorisées par le froid, et l'agression directe des parois vasculaires.

Les cryoglobulines sont des complexes immuns qui pénètrent la paroi vasculaire, activent le complément et induisent des lésions d'angéite.

Conclusion

Les vascularites constituent un groupe de maladies hétérogènes dont les manifestations cliniques, biologiques et histologiques sont très variables. Le diagnostic repose souvent sur une confrontation anatomoclinique rigoureuse.

 

__L'essentiel à retenir

•   Stase sanguine/pathologie hémodynamique. L'œdème est une augmentation de la quantité d'eau dans les espaces extra-vasculaires. On distingue des œdèmes d'origine hémodynamique (transsudats, pauvres en protéines plasmatiques) et des œdèmes d'origine inflammatoire (exsudats, riches en protéines). La congestion est une augmentation de la quantité de sang dans les espaces vasculaires. On distingue la congestion active, par augmentation de l'apport sanguin artériel, et la congestion passive, par diminution du drainage veineux (stase). Dans l'insuffisance cardiaque gauche, la congestion passive retentit sur le poumon (« poumon cardiaque ») et s'accompagne de manifestations aiguës (OAP) ou chroniques. Dans l'insuffisance cardiaque droite ou globale, la stase a des conséquences qui prédominent sur le foie (« foie cardiaque ») avec des manifestations aiguës et chroniques également.

•   Thrombose et maladie thrombo-embolique. La thrombose est la coagulation du sang dans une cavité vasculaire. Sa pathogénie repose sur une agression endothéliale initiale, souvent accompagnée par des anomalies du flux sanguin et parfois favorisée par des anomalies de la coagulation. Un thrombus évolue rarement spontanément vers la thrombolyse, plus souvent vers l'organisation. Les deux principaux risques évolutifs sont la migration du thrombus (embolie) et l'ischémie (pour un thrombus artériel). L'embolie est la migration d'un corps étranger (endogène ou exogène) dans le courant circulatoire, puis son arrêt dans un vaisseau devenu trop petit pour lui laisser passage. Les embolies fibrino-cruoriques (liées à la migration d'un thrombus) représentent 95 % des cas, mais d'autres embolies existent (gazeuse, graisseuse, amniotique, microbienne, tumorale, à corps étrangers, etc.).

•   Ischémie, Infarctus et infarcissement hémorragique. L'ischémie est la diminution ou l'abolition de l'apport sanguin artériel dans un territoire de l'organisme. Il en résulte une hypoxie ou au maximum une anoxie, à laquelle les tissus sont plus ou moins sensibles. Au-delà d'une certaine durée, l'ischémie sévère entraîne la nécrose du territoire situé en aval : c'est l'infarctus. Celui-ci est blanc dans un organe pourvu d'une circulation artérielle de type terminal (cœur, reins, rate, cerveau) ou rouge dans un organe bénéficiant d'une double circulation (poumons) ou d'une importante circulation collatérale (intestin). L'infarcissement hémorragique est la nécrose hémorragique d'un viscère par obstruction du drainage veineux.

•   Athérosclérose. L'athérosclérose est une maladie de l'intima des artères de gros et moyen calibre. Parmi les facteurs de risques, les principaux sont : l'âge, le sexe masculin, l'alimentation riche en graisses animales et l'hyperlipidémie, la sédentarité, le tabagisme, l'hypertension artérielle. La plaque athéroscléreuse comporte un centre athéromateux (bouillie lipidique, nécrose, cellules spumeuses) et une coque fibreuse. Elle refoule progressivement la média artérielle et réduit le calibre luminal. Les principales complications évolutives de la plaque athéroscléreuse sont l'ulcération, l'hémorragie, la thrombose, l'embolie et l'anévrisme (avec leurs propres risques évolutifs : ischémie, infarctus, rupture, etc.).

•   Vascularites. Les vascularites sont des maladies inflammatoires primitives de la paroi vasculaire. Elles sont nombreuses et très polymorphes cliniquement, en fonction des territoires et organes atteints. On classe souvent les vascularites en fonction de la taille et de la nature des vaisseaux atteints. La plus commune est l'artérite à cellules géantes (maladie de Horton) : vascularite des gros vaisseaux qui survient chez le sujet âgé, habituellement accompagnée d'un important syndrome inflammatoire. L'atteinte fréquente de l'artère temporale fait de la biopsie de cette artère l'un des principaux éléments du diagnostic. L'artérite se traduit microscopiquement par la présence d'une inflammation granulomateuse (souvent gigantocellulaire) de l'intima et de la média artérielles.