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8. Tumeurs non épithéliales

Chapitre 8. Tumeurs non épithéliales

Auteur(e)s : Céline Bossard , Maxime Battistella , François Le Loarer , Karine Renaudin , Louise Rolland et Delphine Loussouarn

 

Plan du chapitre

•   Hémopathies malignes

•   Tumeurs mélanocytaires

•   Tumeurs conjonctives

•   Tumeurs des systèmes nerveux central et périphérique

•   Tumeurs germinales

•   Tumeurs de blastème

 

Objectifs

•   Connaitre la nomenclature des tumeurs non épithéliales les plus fréquentes.

•   Connaitre les principes de la classification des tumeurs non épithéliales.

•   Connaitre les principales caractéristiques épidémiologiques, cliniques, et morphologiques (macroscopiques et microscopiques) des tumeurs non épithéliales les plus fréquentes.

 

Les tumeurs non épithéliales regroupent des proliférations tumorales très hétérogènes d'un point de vue clinique, morphologique, phénotypique et moléculaire, en raison d'une histogenèse (cellule à partir de laquelle la tumeur est supposée naître) et/ou d'une différenciation (type de tissu formé par la tumeur) variées. Une analyse anatomopathologique adéquate basée sur les caractéristiques morphologiques, phénotypiques (par immunohistochimie), +/– moléculaires (par différentes approches – FISH, PCR ou NGS ciblé) confrontée aux données clinico-biologiques permettra de retrouver l'histogenèse ou la différenciation et de proposer un diagnostic et des facteurs histo-pronostiques adaptés, nécessaires à une prise en charge thérapeutique optimale.

Hémopathies malignes

Les hémopathies malignes sont assez peu fréquentes par rapport à l'ensemble des tumeurs malignes. Elles représentent toutefois 12 % des nouveaux cas de cancers en France métropolitaine en 2018, soit le 2e type de cancer après les carcinomes. Deux tiers d'entre elles sont des hémopathies lymphoïdes (données de Santé Publique France, 2019). Elles surviennent chez les patients immunocompétents, mais également chez les patients immunodéprimés (patients VIH +, immunodéficience iatrogénique ou héréditaire). Elles sont définies et classées en différentes variétés selon la classification proposée par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Cette classification s'appuie sur :

1.   la cellule hématopoïétique d'origine (histogenèse) avec notamment les quatre lignées de différenciation : myéloïde, lymphoïde, histiocytaire/dendritique et mastocytaire ;

2.   le caractère mature ou immature de la cellule tumorale (exemple : leucémie aiguë constituée de cellules immatures (blastiques) vs leucémie myéloïde chronique) ;

3.   la présentation clinique, sous la forme d'une leucémie avec envahissement médullo-sanguin, ou d'un syndrome tumoral, ganglionnaire et/ou extra-ganglionnaire, situation dénommée lymphome pour les hémopathies lymphoïdes (Tableau 08.01 et Figure 08.01).

Certains lymphomes peuvent s'accompagner d'une composante leucémique et certaines leucémies peuvent se présenter sous la forme d'une masse tissulaire au diagnostic ou dans l'évolution de la maladie.

Les diagnostics sont réalisés par le pathologiste ou l'hématobiologiste selon que les cellules infiltrent les tissus ou circulent dans le sang.

Le principe de la classification OMS des hémopathies malignes est fondé sur la confrontation de l'ensemble des données clinico-biologiques, morphologiques, phénotypiques (phénotype rattaché à la contrepartie cellulaire normale dont la tumeur dérive) et +/– moléculaires, aboutissant à la définition d'entités anatomo-cliniques précises et caractérisées par des critères pronostiques et théranostiques spécifiques. Cette démarche est le gage d'une prise en charge thérapeutique optimale. Par conséquent, le diagnostic d'une hémopathie ne repose pas uniquement sur le pathologiste, mais doit être le résultat d'une discussion anatomo-clinique. Les réunions de concertation pluri-disciplinaires (RCP) ont cet objectif de discussion avant la prise de décision thérapeutique.

Hémopathies myéloïdes

Elles sont diagnostiquées par des hématocytologistes mais leur diagnostic initial peut être réalisé par le pathologiste, notamment en cas d'infiltration tissulaire (peau, tissus mous, etc.) pouvant précéder la circulation sanguine des cellules tumorales (Figure 08.02), ou en cas de myélogramme inaspirable en raison d'une fibrose médullaire rendant incontournable la biopsie ostéomédullaire (BOM). La BOM est également effectuée pour évaluer la fibrose ou rechercher l'acutisation (transformation en leucémie aiguë) dans le suivi évolutif des patients souffrant de ces néoplasies myéloïdes chroniques.

Les principales variétés de néoplasies myéloïdes sont les suivantes :

•   leucémies aigues myéloïdes (LAM) ;

•   syndromes myéloprolifératifs définis par une prolifération clonale de précurseurs hématopoïétiques avec maturationcomplète et normale, d'une ou de plusieurs lignées myéloïdes (lignées granulocytaire, érythrocytaire, mégacaryocytaire). On distingue deux grandes catégories de syndromes myéloprolifératifs :

•   la leucémie myéloïde chronique (LMC) avec translocation t (9 ;22) (chromosome Philadelphie) se caractérisant par une prolifération prédominante de la lignée granulocytaire,

•   les syndromes myéloprolifératifs non LMC (pas de chromosome Philadelphie) comprenant la polyglobulie primitive de Vaquez (prolifération prédominante de la lignée érythrocytaire), la thrombocytémie essentielle (prolifération prédominante de la lignée mégacaryocytaire), la myélofibrose primitive responsable d'une métaplasie myéloïde hépato-splénique, la leucémie chronique à polynucléaires neutrophiles, la leucémie chronique à polynucléaires éosinophiles, et les néoplasies myéloprolifératives inclassables ;

Syndromes myélodysplasiques définis par une prolifération clonale de précurseurs hématopoïétiques myéloïdes qui se différencient de manière anormale (signes de dysplasie ou dysmyélopoïèse). Ces précurseurs anormaux entrent en apoptose et il s'ensuit une hématopoïèse inefficace et donc des cytopénies périphériques.

D'autres proliférations myéloïdes sont classées séparément, tels la leucémie myélomonocytaire chronique et les syndromes éosinophiliques avec translocation.

Hémopathies lymphoïdes

Les hémopathies lymphoïdes résultent de la prolifération d'une cellule lymphoïde B, T ou NK, à différents stades de maturation.

Elles sont responsables dans la majorité des cas d'un syndrome tumoral correspondant à un lymphome. Plus rarement, il s'agit d'une présentation leucémique (exemple : leucémies lymphoblastiques). On distingue les lymphomes de Hodgkin et les lymphomes non hodgkiniens plus fréquents.

Parmi ces derniers, les lymphomes B sont les plus fréquents (83 %), par rapport aux lymphomes T ou NK. Quelle que soit la cellule lymphoïde d'origine B, T ou NK, les lymphomes se présentent soit sous la forme d'une polyadénopathie soit sous la forme d'une masse tissulaire extra-ganglionnaire, notamment au niveau des organes « barrières » tels que la peau ou les muqueuses abritant le tissu lymphoïde associé aux muqueuses (amygdale, muqueuses digestive ou bronchique, tractus uro-génital) (Figure 08.03).

L'approche diagnostique du pathologiste repose sur l'analyse cytologique (taille des noyaux, cellules matures ou immatures, polymorphisme cellulaire), l'analyse architecturale (diffus, nodulaire, scléro-nodulaire), l'analyse phénotypique par immunohistochimie utilisant des anticorps reconnaissant des antigènes de différenciation (exemple : CD3 pour les lymphocytes T, CD20 pour les lymphocytes B), l'analyse moléculaire sur coupes tissulaires (Hybridation in situ avec les sondes EBER pour détecter le virus EBV, étude cytogénétique par hybridation in situ fluorescente (FISH) sur noyaux interphasiques pour détecter des réarrangements de gènes spécifiques d'une entité) (Figure 08.04), l'analyse de clonalité B ou T et le profil mutationnel. Ces analyses morphologiques, phénotypiques et moléculaires nécessitent un matériel tissulaire suffisant. De ce fait, une biopsie chirurgicale doit toujours être privilégiée, sauf circonstances particulières (urgence diagnostique, patient instable cliniquement…) faisant réaliser une biopsie à l'aiguille guidée par une échographie ou un scanner.

L'agressivité des hémopathies lymphoïdes est variable en fonction des différentes entités. Les informations cliniques (altération de l'état général, fièvre, sueurs nocturnes), évolutive (croissance rapide du syndrome tumoral) et iconographiques (niveau d'extension du syndrome tumoral au scanner, niveau d'hypermétabolisme au TEP scanner) sont importantes à transmettre au pathologiste afin d'orienter au mieux sa démarche diagnostique.

Macroscopiquement, les lymphomes ont un aspect caractéristique « chair de poisson », blanchâtre, luisant, assez homogène (Figure 08.05).

Lymphomes de Hodgkin

Ils représentent 15 % de l'ensemble des lymphomes non cutanés, avec deux pics d'incidence vers 20–30 ans et 80–85 ans. La survie à 5 ans est proche de 80 %. Ils ont la caractéristique commune de présenter une infiltration ganglionnaire (plus rarement extra-ganglionnaire) très peu riche en cellules tumorales (1 à 5 % des cellules). Les cellules non tumorales réactionnelles (lymphocytes, plasmocytes, polynucléaires, histiocytes) peuvent masquer les cellules tumorales et rendre le diagnostic difficile pour le pathologiste. Le lymphome de Hodgkin classique se définit par la présence de cellules tumorales de grande taille au noyau bilobé avec des nucléoles proéminents (cellule de Reed-Sternberg), dérivant d'un lymphocyte B du centre germinatif, indispensables au diagnostic (Figure 08.06). Elles ont un phénotype caractéristique CD30 +, CD15 +, CD20–, PAX5 +, CD3–, +/– EBV +. Le lymphome de Hodgkin classique de type scléro-nodulaire, le plus fréquent (57 % des lymphomes de Hodgkin), présente une architecture scléro-nodulaire. Sur le plan clinique, le lymphome de Hodgkin peut donner un syndrome inflammatoire, avec fièvre et prurit persistant.

Hémopathies lymphoïdes B matures

Ce sont les lymphomes les plus fréquents (78 % des lymphomes non cutanés) avec une cinquantaine d'entités définies dans la classification OMS. Ils peuvent avoir une présentation ganglionnaire, extra-ganglionnaire ou médullo-sanguine (leucémique). Ils résultent de la prolifération d'une cellule B (présentant un réarrangement clonal du récepteur B (BCR)) à différents stades d'activation et de différenciation. Ces lymphomes sont classés selon les caractéristiques morphologiques et phénotypiques de leur contrepartie cellulaire normale, associées à des anomalies moléculaires spécifiques (Figure 08.07).

On distingue

•   les lymphomes B à petites cellules (lymphome folliculaire, lymphome du manteau, lymphome de la zone marginale, lymphome lymphocytique, lymphome lymphoplasmocytaire) le plus souvent d'évolution lente non agressive,

•   le myélome,

•   et les lymphomes B à grandes cellules agressifs d'architecture diffuse. Ces hémopathies touchent l'adulte principalement. Elles expriment toutes, à l'exception des proliférations à différenciation plasmocytaire (myélome, etc.), le CD20 (cluster de différenciation des cellules lymphoïdes B) les rendant sensibles au traitement aux anticorps anti-CD20.

Lymphome folliculaire

Le lymphome folliculaire (Figure 08.08) est le plus fréquent des lymphomes B à petites cellules matures. Il s'agit d'un lymphome d'évolution lente, mais pouvant évoluer vers une forme agressive (Lymphome B à grandes cellules). Son pronostic est plutôt favorable avec une survie à 5 ans de 87 %. Il se caractérise par une prolifération d'architecture nodulaire, constituée de cellules de petite taille d'allure centrocytique et de cellules de grande taille d'allure centroblastique, de phénotype identique aux centroblastes/centrocytes présents dans le centre germinatif d'un follicule lymphoïde secondaire normal (CD20 +, CD10 + et Bcl6 +). Les cellules tumorales se caractérisent par un réarrangement du gène BCL2, à proximité du promoteur du gène des immunoglobulines, à l'origine de la lymphomagenèse, et responsable d'une expression constitutive de l'oncoprotéine BCL2, anti-apoptotique, qui peut être mise en évidence en immunohistochimie.

Myélome

Le myélome représente la plus fréquente des proliférations d'origine plasmocytaire. Cette hémopathie, touchant préférentiellement les adultes âgés, dérive de la prolifération clonale, disséminée, d'un plasmocyte mature. L'atteinte osseuse, multifocale, lytique (lacunes à l'emporte-pièce) +/– associée à une atteinte viscérale secondairement (Figure 08.09). Cette prolifération est responsable de la présence sérique d'une protéine monoclonale (IgG ou IgA le plus souvent) et urinaire de chaines légères d'Ig (= protéines de Bence Jones).

Lymphomes B diffus à grandes cellules

Parmi les lymphomes B agressifs, les lymphomes B diffus à grandes cellules sont les plus fréquents (42 % de l'ensemble des lymphomes B) (Figure 08.10). Ils touchent préférentiellement l'adulte plutôt âgé (50–90 ans) et se caractérisent par une évolution spontanément agressive avec une survie à 5 ans de 58 %. Histologiquement, il s'agit d'une prolifération d'architecture diffuse, constituée de cellules de grande taille, de phénotype B CD20 + avec un index de prolifération élevé.

Le lymphome de Burkitt est un autre exemple de lymphome B très agressif, assez rare en France. Il représente 2 % des lymphomes non hodgkiniens et est observé surtout chez l'enfant. Parmi les facteurs de risque figure l'immunodépression, notamment l'infection par le VIH, et en Afrique où il est endémique par infection par le virus Epstein-Barr (EBV) et se développe préférentiellement au niveau des sinus maxillaires. Son pronostic est plutôt bon avec une survie à 5 ans proche de 84 %. La cellule tumorale dérive d'un lymphocyte B du centre germinatif (donc CD10 +), et présente un aspect immature, blastoïde. Elle se caractérise par un réarrangement de l'oncogène MYC le plus souvent à proximité du promoteur du gène des immunoglobulines (t (8,14)), à l'origine de la lymphomagenèse, et responsable d'une expression constitutive de la protéine MYC.

Hémopathies lymphoïdes T ou à cellules NK

Les hémopathies lymphoïdes T ou NK sont beaucoup moins fréquentes que les hémopathies lymphoïdes B, et ne représentent que 6 % de l'ensemble des lymphomes non cutanés. Il s'agit de lymphomes agressifs, de mauvais pronostic (en dehors des lymphomes T cutanés, d'évolution lente le plus souvent), répondant peu aux chimiothérapies conventionnelles. Les lymphomes T périphériques non cutanés, de présentation ganglionnaire, sont les plus fréquents. Les lymphomes T extra-ganglionnaires se développent notamment au sein des « barrières » ou des « filtres » physiologiques tels que la peau, le tube digestif, le foie, la rate, les fosses nasales et nasopharynx. Ils résultent de la prolifération clonale de lymphocytes T (réarrangement clonal du récepteur T (TCR)) ou de cellules NK et présentent une grande diversité morphologique et phénotypique. Cette caractéristique, associée à leur faible fréquence, rend leur diagnostic plus difficile que celui des lymphomes B. Ce sont en majorité des hémopathies agressives touchant le sujet adulte, mais également l'enfant (exemple : lymphome T anaplasique ALK +). Certains lymphomes T sont associés à l'EBV (lymphome NK/T nasal), critère diagnostique majeur (voir figure 08.04).

Proliférations histiocytaires, dendritiques et mastocytaires

Elles regroupent des entités très rares.

La classification OMS distingue cinq groupes d'histiocytose, définis par des critères cliniques, radiographiques, morphologiques, phénotypiques et moléculaires. Sont distinguées notamment les histiocytoses langerhansiennes et les histiocytoses non langerhansiennes (Maladie d'Erdheim Chester, maladie de Rosai-Dorfman, etc.). Les histiocytoses langerhansiennes (HL), touchant essentiellement l'enfant, dérivent d'une cellule dendritique particulière, la cellule de Langerhans résidant dans la peau et les muqueuses malpighiennes et capable d'internaliser les pathogènes. Elle exprime le CD1a et la langerine, détectables en immunohistochimie, et cette expression, conservée dans l'HL, est un critère diagnostique important. L'HL correspond à une accumulation de cellules de Langerhans au niveau de divers organes (Figure 08.11).

Tumeurs mélanocytaires

Les mélanocytes, dérivés de la crête neurale, sont les cellules responsables de la synthèse de la mélanine et de la pigmentation cutanée, situées dans la couche basale de l'épiderme, entre les kératinocytes. On les trouve également dans l'uvée de l'œil, et en très faible nombre dans la muqueuse buccale, les muqueuses malpighiennes génito-anales, la muqueuse respiratoire, la muqueuse digestive et les méninges.

Les tumeurs mélanocytaires touchent principalement la peau. Elles sont beaucoup plus rares dans les autres tissus cités ci-dessus. Les tumeurs mélanocytaires bénignes sont appelées nævus mélanocytaires ou nævus naevocellulaires. La plupart des tumeurs mélanocytaires bénignes comportent une mutation oncogénique « driver » isolée, responsable d'une prolifération tumorale qui reste localisée. Les tumeurs mélanocytaires malignes sont appelées mélanomes. Les mélanomes ont, en plus d'une mutation oncogénique « driver », des altérations géniques additionnelles leur conférant leur agressivité locale et leur potentiel métastatique.

Les mélanocytes bénins ou malins expriment divers antigènes permettant de les identifier en immunohistochimie : S100, SOX10, Melan A, HMB45.

Les tumeurs mélanocytaires bénignes ou malignes produisent une quantité variable de mélanine, ce qui se traduit cliniquement par des lésions cutanées plus ou moins pigmentées, allant de papules rosées à des tumeurs brun-noir. Toutes les lésions pigmentées de la peau ne sont pas des tumeurs mélanocytaires.

Nævus mélanocytaires

On distingue les nævus congénitaux, touchant 1 % des enfants, et les nævus acquis, bien plus fréquents. Ces derniers apparaissent pour la plupart durant l'enfance et l'adolescence. Ce sont des lésions cutanées de quelques millimètres de diamètre, rarement plus étendues, habituellement pigmentées (brun clair à noir), parfois pileuses, à surface lisse un peu surélevée ou à surface papillomateuse en saillie sur le tégument (Figure 08.12A).

Microscopiquement, il s'agit d'une prolifération de petites cellules arrondies au cytoplasme éosinophile peu abondant, plus ou moins chargé de pigment mélanique, appelées cellules naeviques. Elles se groupent en thèques (amas arrondis d'au moins une dizaine de cellules) dans l'épiderme et dans la partie superficielle du derme, et forment des nappes de cellules s'étendant plus ou moins profondément dans le derme (Figure 08.12B). La bénignité de la lésion est affirmée sur plusieurs critères cyto-architecturaux : symétrie et taille de la tumeur, présence d'un gradient de maturation cytologique et architectural de la superficie du derme à la profondeur, absence d'atypie nucléaire et de mitose.

On distingue plusieurs familles de nævus mélanocytaires, en fonction de leur présentation clinique, de leur aspect histologique et de leur anomalie oncogénique driver.

Mélanomes

Les mélanomes correspondent dans 1/3 des cas à l'évolution maligne d'un nævus mélanocytaire mais surviennent le plus souvent d'emblée. Ils sont exceptionnels avant la puberté, et leur incidence augmente avec l'âge. Les principaux facteurs de risque de mélanome sont : le phototype clair, l'exposition aux UV (notamment coups de soleil dans l'enfance), un nombre élevé de nævus (> 50), des antécédents personnels et familiaux de mélanome.

Cliniquement, le mélanome est une tumeur pigmentée caractérisée par : une Asymétrie, des Bords irréguliers, une Couleur hétérogène, un Diamètre élevé, et/ou une Évolutivité (critères « ABCDE » très utiles pour le dépistage) (Figure 08.12C).

Le plus fréquemment, le mélanome évolue en deux phases, une extension horizontale centrifuge pouvant durer plusieurs mois à années, puis une phase d'invasion verticale avec envahissement du derme et formation d'un nodule. Dans environ 15 % des cas, le mélanome est nodulaire d'emblée. Histologiquement, le mélanome est caractérisé par : une asymétrie, l'absence de maturation cytologique et architecturale dans le derme, des atypies cytologiques et des mitoses (Figure 08.12D). L'architecture de la lésion étant un critère majeur pour évaluer la malignité d'une tumeur mélanocytaire, on préférera une exérèse à une biopsie partielle.

Le pronostic des mélanomes dépend principalement de leur degré d'invasion en profondeur dans la peau, évalué par l'indice de Breslow (épaisseur tumorale en millimètres, mesurée sur la coupe examinée au microscope).

C'est cette épaisseur et la présence ou non d'une ulcération épidermique qui déterminent le stade T dans la classification pTNM des mélanomes. Le mélanome est un cancer lymphophile : les premières métastases sont généralement ganglionnaires, parfois suivies de métastases viscérales (poumon, foie, cerveau). La survie à 5 ans en cas de métastase ganglionnaire est de 65 %, et seulement de 25 % en cas de métastase viscérale, mais les progrès thérapeutiques récents pourraient modifier ces données.

Tumeurs conjonctives

Ces tumeurs dérivent du tissu mésenchymateux dont l'origine embryologique est le mésoderme. Ce sont des tumeurs très hétérogènes qui peuvent être localisées n'importe où dans l'organisme mais le plus fréquemment dans les tissus mous (c'est-à-dire les muscles, le tissu graisseux…) et les os.

Épidémiologie

Les sarcomes sont des cancers rares, représentant globalement 1 % de l'ensemble des cancers. Leur relative rareté découle du taux de renouvellement plus faible des tissus conjonctifs comparativement aux tissus épithéliaux dont le turn-over est beaucoup plus élevé. Même s'il n'existe pas de facteur génétique prédisposant dans la plupart des cas, certains syndromes de prédisposition génétique sont associés à un risque accru de développer un sarcome dans comme le syndrome de Li Fraumeni (mutation constitutionnelle du gène TP53 avec risque accru de rhabdomyosarcome, ostéosarcome), ou la neurofibromatose (mutation constitutionnelle du gène NF1 exposant au risque de développer des tumeurs nerveuses malignes). Certains agents environnementaux sont associés à un risque accru de sarcome. La grande majorité des tumeurs conjonctives sont en fait bénignes (tout comme c'est le cas des tumeurs épithéliales). Elles sont volontiers plus petites et disposées dans les tissus mous superficiels (c'est-à-dire au-dessus des aponévroses au niveau des membres).

Étiologie et formation des sarcomes et tumeurs conjonctives

Comme tous les cancers, les sarcomes résultent d'altérations génétiques qui aboutissent à la dérégulation de la prolifération cellulaire et du contrôle du cycle cellulaire. Certains gènes altérés ne sont pas spécifiques car également altérés dans de nombreux autres types de cancer comme le gène suppresseur de tumeurs TP53. Les altérations génétiques en cause peuvent être des mutations activatrices (affectant des oncogènes), des mutations inactivatrices (de gènes suppresseurs de tumeurs), des altérations du nombre de copies des gènes (amplification d'oncogène comme MDM2 dans certains liposarcomes) ou enfin des translocations. Une fraction plus élevée de sarcomes est associée à des translocations. Les translocations correspondent à des échanges de matériel génétique entre régions d'un même chromosome ou de chromosomes différents qui aboutissent à la formation d'un nouveau gène dit « gène de fusion » au sein duquel coexistent les séquences génétiques de deux gènes distincts, permettant l'acquisition de nouvelles fonctions cellulaires. Le sarcome d'Ewing est un exemple classique de sarcome associé à une translocation. Les tumeurs conjonctives bénignes comportent également des altérations génétiques, mais ne conférant pas aux cellules tumorales la capacité à disséminer comme c'est le cas avec les tumeurs malignes.

Classification et nomenclature

On distingue trois niveaux d'agressivité parmi les tumeurs conjonctives :

1.   les tumeurs bénignes, à risque très faible de récidive, sans risque de métastase et n'entrainant pas de destruction des tissus loco-régionaux ;

2.   les tumeurs à malignité locale, qui sont essentiellement associées à un potentiel de récidive et de destruction locale si elles ne sont pas complètement réséquées. Elles peuvent très rarement métastaser ;

3.   les tumeurs malignes appelées sarcomes qui sont associées à un risque local et général (potentiel de métastase). Lorsqu'ils sont localisés (non métastatiques), on doit en évaluer le grade histopronostique, comme pour beaucoup d'autres cancers, afin de quantifier le risque de métastase pour juger du bénéfice à prescrire un traitement général (chimiothérapie).

En théorie, le terme de sarcome s'applique à toutes les tumeurs malignes mésenchymateuses. Toutefois certaines tumeurs sont dénommées selon des termes descriptifs dépourvus de ce terme alors qu'elles sont bel et bien malignes, il existe donc quelques exceptions ! En pratique, en cas de doute, les cliniciens se réfèrent toujours à la classification des tumeurs éditée par l'OMS, qui liste les différents types de cancers reconnus dans l'état actuel des connaissances.

Plus de 50 sous-types de sarcomes sont reconnus, classés sur la base de leur différenciation histologique (Tableau 08.02) : vasculaire (angiosarcome), musculaire lisse (léiomyosarcome), adipeuse (liposarcome), musculaire striée (rhabdomyosarcome)… Ces grandes catégories histologiques sont indispensables mais en réalité insuffisantes : chaque catégorie histologique comporte des sous-types qui sont très différents en termes d'agressivité clinique, d'aspect morphologique et de génétique. À titre d'exemple, un liposarcome peut correspondre à un liposarcome bien différencié, un liposarcome dédifférencié, un liposarcome myxoïde, un liposarcome pléomorphe et chacun de ces sous-groupes a des caractéristiques biologiques et un pronostic différents !

Il s'agit de tumeurs de diagnostic difficile qui nécessitent une prise en charge dans des centres spécialisés et qui bénéficient d'une relecture histologique par un pathologiste expert.

Exemples de quelques tumeurs conjonctives

Sarcome de Kaposi

Il s'agit de tumeurs rares dites « à malignité intermédiaire » (donnant rarement des métastases), à tropisme surtout cutané mais pouvant aussi se localiser dans les viscères. Malgré leur rareté, ils ont été largement médiatisés au moment de la découverte de l'infection par le VIH dont les patients affectés développaient des sarcomes de Kaposi secondaires à l'immunodépression. L'immunodépression, quelle que soit sa cause, favorise la réactivation du virus HHV8 qui entraine la transformation de cellules endothéliales. Ce sarcome a une différenciation vasculaire qui explique l'aspect bleuté/brunâtre des lésions de Kaposi. D'autres formes sont dites « endémiques », restreintes à certaines régions géographiques, affectant des patients sans comorbidités et sont également secondaires à l'HHV8 (Figure 08.13).

Tumeur stromale gastro-intestinale (GIST)

Ces tumeurs se développent typiquement au sein de la paroi du tube digestif, et pourraient dériver de la cellule de Cajal impliquée dans la régulation de la motilité digestive.

Ces tumeurs sont le plus souvent associées à des mutations activatrices de l'oncogène KIT, et comportent une surexpression de la protéine visible en immunohistochimie. L'identification précise de la mutation par séquençage de l'ADN tumoral est recommandée pour prédire la sensibilité aux inhibiteurs ciblant la protéine KIT. Le type de mutation conditionne en effet la qualité de la réponse attendue au traitement (Figure 08.14).

Malgré la présence commune de ces mutations dans les GISTs, ces tumeurs sont très hétérogènes, allant de formes bénignes asymptomatiques et diagnostiquées fortuitement jusqu'à des formes hautement malignes, métastastiques.

Angiosarcome

Il s'agit d'une tumeur maligne de haut grade à différenciation vasculaire. Ces tumeurs peuvent se développer dans tous les sites anatomiques y compris les viscères comme le foie ou la rate. Des facteurs favorisants ont été identifiés, même s'ils peuvent manquer : l'irradiation (avec l'exemple de l'angiosarcome du sein survenant au décours de la prise en charge radiothérapique d'un cancer du sein), le chlorure de vinyle (exposant à l'angiosarcome du foie), le lymphœdème qui peut exceptionnellement se compliquer d'un angiosarcome.

Ces tumeurs sont diagnostiquées sur l'existence d'une différenciation vasculaire visible sur la coloration HES et/ou sur l'expression de marqueurs vasculaires en immunohistochimie (Figure 08.15).

Liposarcome dédifférencié

Les liposarcomes dédifférenciés correspondent au sous-type le plus fréquent de liposarcome, appartenant à la catégorie des sarcomes à différenciation adipeuse.

Ces tumeurs affectent principalement des patients de plus de 55 ans et peuvent se développer dans tous les sites anatomiques avec une prédilection pour les membres et le rétropéritoine.

Ces tumeurs sont caractérisées par des amplifications de l'oncogène MDM2, qui par conséquent est surexprimé par les cellules tumorales. L'amplification peut être confirmée au niveau de l'ADN par hybridation in situ (Figure 08.16).

Ostéosarcome

Il s'agit d'une tumeur maligne à différenciation ostéogénique survenant quasi exclusivement dans les os. Il affecte avec prédilection les os longs mais tous peuvent être atteints. Ces tumeurs ont une distribution bimodale, c'est-à-dire avec deux pics d'âge l'adolescence et après 55 ans. En effet la croissance osseuse survenant pendant l'adolescence constitue une période de vulnérabilité pour le développement de ces tumeurs, heureusement rares.

Sur le plan clinique, le diagnostic est suspecté par les radiologues car ils observent des signes d'ossification et des signes d'agressivité (il s'agit d'une tumeur maligne destructrice). Sur le plan microscopique, par définition, les cellules tumorales élaborent une matrice osseuse minéralisée mais désorganisée et anarchique détruisant l'os natif (Figure 08.17).

Sur le plan génétique, ces tumeurs comportent des inactivations de gènes suppresseurs de tumeurs peu spécifiques comme TP53 et RB1 et ont un génome comportant de nombreuses altérations du nombre de copies des gènes, une caractéristique rarement observée dans les tumeurs pédiatriques.

Sarcome d'Ewing

Ce sarcome affecte des enfants et des adultes jeunes et peut toucher tous les os sans prédilection franche. Sur le plan microscopique, il correspond à une tumeur complètement indifférenciée composée de cellules de petite taille formant des plages de cellules peu cohésives, comme on pourrait en voir dans une tumeur hématologique ou un carcinome à petites cellules. Son diagnostic nécessite donc des études complémentaires par immunohistochimie et des tests moléculaires afin d'identifier le gène de fusion récurrent à l'origine de leur développement EWSR1-FLI1 (ou plus rarement d'autres gènes apparentés).

Tumeurs des systèmes nerveux central et périphérique

Tumeurs du système nerveux central

Tumeurs intra-parenchymateuses

Chez l'adulte, les tumeurs intracrâniennes les plus fréquentes (au moins 50 %) sont des métastases, le plus souvent de carcinomes. Dans ¾ cas il existe déjà des métastases dans d'autres sites.

Les tumeurs intra-parenchymateuses primitives sont développées à partir des cellules gliales du parenchyme cérébral : les astrocytes (rôle nourricier pour les neurones), les oligodendrocytes (petites cellules fabriquant la myéline), les cellules épendymaires (cellules épithéliales tapissant les ventricules), les cellules microgliales/macrophagiques. Elles sont regroupées sous le terme générique de « gliomes », qui sont divisés en deux grands groupes : les gliomes diffus et les gliomes circonscrits.

•   Les gliomes diffus sont caractérisés par une infiltration du tissu cérébral, rendant l'exérèse chirurgicale complète impossible. Si l'évolution de ces tumeurs reste aujourd'hui fatale, leur pronostic est très variable d'un type à l'autre. Ils sont classés en plusieurs groupes selon des critères histologiques et moléculaires définis dans la classification OMS des tumeurs du système nerveux central. Les gliomes diffus correspondent à des astrocytomes et des oligodendrogliomes, auxquels est attribué un grade II, III et IV selon des critères histopronostiques (mitoses, nécrose, prolifération endothélio-capillaire).

•   Le glioblastome ou astrocytome de grade IV est la tumeur astrocytaire la plus agressive, avec un pronostic extrêmement péjoratif (Figure 08.18AB).

•   Les gliomes circonscrits sont essentiellement représentés par l'astrocytome pilocytique (grade I de l'OMS). Ce sont des tumeurs principalement localisées dans le cervelet, le tronc cérébral, l'hypothalamus et la moelle épinière. Le pronostic est excellent si l'exérèse chirurgicale est complète.

•   Les épendymomes se développent à partir des cellules souches péri-ventriculaires et constituent des entités génétiques variables en fonction de l'âge du patient et de la localisation dans le cerveau (Figure 08.18C).

Tumeurs extra-parenchymateuses

Les méningiomes sont les tumeurs extra-parenchymateuses les plus fréquentes. Elles sont développées à partir des cellules arachnoïdiennes et prédominent chez la femme entre 50 et 60 ans. Les méningiomes sont divisés en de multiples sous-types histologiques et en trois grades de malignité croissante selon la classification OMS des tumeurs du système nerveux central : grade I (bénin dans 80 % des cas), grade II (15 à 20 %) et grade III (2 à 5 %) selon plusieurs paramètres histologiques. Le traitement repose sur la chirurgie. Il existe un risque de récidive locale lié au grade de la tumeur ou à sa localisation (lorsqu'elle ne permet pas une chirurgie complète) (Figure 08.18DE).

Les tumeurs embryonnaires du système nerveux central

Les médulloblastomes sont des tumeurs embryonnaires à différenciation neuronale localisées au niveau du cervelet. Ils se rencontrent surtout chez l'enfant et l'adolescent, rarement chez l'adulte. Ils sont caractérisés par une propension à diffuser par la voie du liquide céphalo-rachidien avec possibilité de métastases dans le névraxe.

Tumeurs du système nerveux périphérique

Les schwannomes sont des tumeurs bénignes développées à partir des cellules de Schwann qui synthétisent la myéline. Ils sont bien limités et sont acolés à un nerf. Ils peuvent être observés en intracrânien ou en intrarachidien. Ils sont le plus souvent solitaires et sporadiques (90 %). Les schwannomes multiples sont observés dans le cadre de la neurofibromatose de type 2 (4 %) et dans la schannomatose (5 %). Les schwannomes intracrâniens sont typiquement développés sur le nerf VIII dans l'angle ponto-cérébelleux (« neurinome de l'acoustique »). Les caractéristiques morphologiques des schwannomes sont illustrées à la (figure 08.19).

Les neurofibromes sont des tumeurs bénignes constituées de plusieurs types de cellules : cellules de Schwann, cellules péri-neuriales, et fibroblastes. Ils sont soit sporadiques et solitaires, soit multiples dans le cadre de la neurofibromatose de type 1 (NF1) ou maladie de Recklinghausen. Il existe plusieurs variantes cliniques et morphologiques de neurofibrome : le neurofibrome cutané (localisé ou diffus), le neurofibrome intranerveux localisé, le neurofibrome plexiforme. Parmi les variantes morphologiques, le neurofibrome plexiforme est très souvent associé à la NF1 et justifie une enquête génétique.

Les tumeurs malignes des gaines des nerfs périphériques sont des tumeurs rares. 50 % d'entre elles surviennent dans le cadre de la NF1. Elles touchent les nerfs de grande taille et de taille moyenne.

Tumeurs germinales

Notions générales

Les tumeurs germinales sont issues d'une cellule germinale primordiale multipotente et constituent un groupe de tumeurs hétérogènes tant sur le plan histologique que clinique. Ces tumeurs se développent préférentiellement dans les gonades (ovaires et testicules). Elles sont plus rarement extra-gonadiques (4 % des cas), localisées le long de la ligne médiane du corps, au niveau du cerveau (hypophyse), du médiastin antérieur, du rétropéritoine ou de la région sacro-coccygienne, développées à partir de cellules germinales stoppées sur leur trajet de migration lors de l'embryogenèse.

Ces tumeurs rares peuvent survenir à tout âge, avec un pic durant la petite enfance puis un second pic après la puberté qui se poursuit à l'âge adulte. Elles sont beaucoup plus fréquentes chez l'homme que chez la femme (64/1 000 000 vs 4/1 000 000 respectivement en Europe). La cryptorchidie est un facteur de risque bien connu mais le plus souvent, leur étiologie reste inconnue.

Les tumeurs germinales présentent une variété morphologique correspondant aux différentes différenciations tissulaires suivies par la cellule germinale primordiale (Figure 08.20). Cette différenciation s'oriente soit sur le versant gonadique sous la forme d'un séminome, constitué de cellules ressemblant aux gonocytes primordiaux, soit à la manière d'un œuf fécondé reproduisant grossièrement des tissus embryonnaires (carcinome embryonnaire, tératome) ou extra-embryonnaires (tumeur vitelline, choriocarcinome). Plusieurs contingents tumoraux différents peuvent être associés au sein de la même tumeur.

Les tumeurs germinales présentent également des spécificités en fonction de leur localisation, de leur composition et de l'âge de survenue. On distingue trois grandes catégories qui impliquent une prise en charge spécifique :

•   d'une part les tératomes, qui peuvent être des tumeurs bénignes ou malignes

•   et d'autre part les séminomes purs et les tumeurs germinales non séminomateuses, qui sont toutes deux des tumeurs malignes.

Certains contingents tumoraux s'accompagnent de la sécrétion de marqueurs sériques spécifiques (betaHCG pour le choriocarcinome et alpha-fœto-protéine pour la tumeur vitelline) apportant des éléments diagnostiques et de suivi à ces tumeurs.

Chez l'enfant avant six ans, les tumeurs germinales sont le plus souvent des tératomes bénins. Chez l'adolescent et l'adulte, les tumeurs germinales sont le plus souvent malignes (sauf au niveau de l'ovaire où prédomine encore le tératome bénin) mais leur pronostic reste en règle générale très favorable même au stade métastatique en raison de leur grande chimio- et radio-sensibilité.

Il s'agit de tumeurs de diagnostic difficile qui nécessitent une prise en charge dans des centres spécialisés et qui bénéficient d'une relecture histologique par un pathologiste expert (sauf pour les tératomes matures non cancérisés).

Différentes variétés de tumeurs germinales

•   Le séminome, également appelé dysgerminome dans l'ovaire ou germinome en intracérébral, est la tumeur germinale maligne qui présente la plus grande similitude morphologique avec les gonies (spermatogonies et ovogonies) (Figure 08.21A).

•   Le carcinome embryonnaire est une tumeur germinale maligne d'aspect hétérogène et nécrotique, formé de cellules peu différenciées très atypiques (Figure 08.21B). Son pronostic est plus péjoratif que celui des autres variétés de tumeurs germinales malignes.

•   La tumeur vitelline est une tumeur germinale maligne présentant des aspects morphologiques très polymorphes rappelant les structures extra-embryonnaires du sinus endodermique (ou sac vitellin), de l'allantoïde et du mésenchyme extra-embryonnaire (Figure 08.21C). Elle sécrète d'ailleurs de l'alpha-fœto-protéine, qui constitue un marqueur tumoral sanguin important pour le diagnostic.

•   Le choriocarcinome est une tumeur germinale maligne à différenciation trophoblastique rappelant le placenta (Figure 08.21D). Il s'accompagne d'une augmentation du taux d'HCG sanguin.

•   Les tératomes sont des tumeurs germinales à différenciation somatique, pouvant reproduire virtuellement tous les tissus dérivés des trois feuillets embryonnaires : ectoderme, endoderme et mésoderme. Ils peuvent être constitués d'un seul type tissulaire dont l'agencement est souvent organoïde et kystique ou être plus complexes, constitués de multiples tissus mésenchymateux et épithéliaux plus ou moins organoïdes ou désordonnés (ex. : épiderme, annexes pilo-sébacées et tissu cérébral dérivant de l'ectoderme ; épithéliums respiratoire ou digestif et tissu thyroïdien dérivant de l'endoderme ; cellules adipeuses, tissu musculaire lisse ou strié, os, cartilage et dent dérivant du mésoderme (Figure 08.22). Ces constituants tissulaires peuvent être différenciés d'aspect mature, mais également d'aspect embryonnaire ou fœtal.

Tumeurs de blastème

Une tumeur du blastème est une tumeur constituée de cellules immatures semblables à celles de l'ébauche embryonnaire (blastème) d'un organe ou d'un tissu.

Ces tumeurs peuvent être observées dans différents organes et tissus, essentiellement chez le jeune enfant (âge moyen de 2 à 3 ans). Il s'agit de tumeurs rares : le Registre national des cancers de l'enfant (RNCE) comptabilise environ 350 nouveaux cas de tumeurs du blastème par an en France.

L'aspect histologique de ces tumeurs est souvent assimilé à celui de « tumeur à petites cellules rondes et bleues », c'est-à-dire celui de tumeurs d'aspect très indifférencié. Les cellules blastémateuses sont de taille moyenne, avec un rapport nucléocytoplasmique élevé et un noyau ovalaire à chromatine fine. L'activité mitotique est importante. La topographie de la tumeur et la recherche de signes histologiques (ou parfois immunohistochimiques) de différenciation tumorale permettent de classer précisément la tumeur.

La classification internationale des cancers de l'enfant (ICCC, 3e édition) reconnait plusieurs types de tumeurs du blastème dont les principales sont : le neuroblastome, le rétinoblastome, le néphroblastome, l'hépatoblastome, et le médulloblastome. Les deux entités les plus fréquentes sont le neuroblastome (ou tumeur neuroblastique périphérique) et le néphroblastome.

Les tumeurs du blastème sont des tumeurs chimiosensibles et les cellules tumorales présentent un potentiel de maturation sous chimiothérapie. Les prélèvements réalisés après traitement renferment donc en proportion variable des cellules blastémateuses et d'autres populations plus matures présentant une ou des lignes de différenciation variant selon le type de tumeur.

 

L'essentiel à retenir

Hémopathies malignes

•   Les hémopathies malignes regroupent celles issues des cellules myéloïdes et lymphoïdes.

•   Elles touchent majoritairement l'adulte et sont beaucoup moins fréquentes que les tumeurs malignes d'origine épithéliale.

•   La classification précise de ces hémopathies est indispensable pour une prise en charge thérapeutique adaptée. Il s'agit de la classification de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) des tumeurs des tissus hématopoïétiques et lymphoïdes. Cette classification définit des entités en fonction des critères cliniques (âge, présentation clinique, agressivité clinique...), biologiques, morphologiques (petites cellules grandes cellules, micrœnvironnement...), immunohistochimiques et moléculaires (anomalies cytogénétiques...). Elle inclut aussi des critères pronostiques et pour certaines entités théranostiques.

•   Les hémopathies myéloïdes se traduisent majoritairement par une leucémie, c'est-à-dire un envahissement médullo-sanguin, et parfois par un envahissement tissulaire qui précède ou qui accompagne la composante leucémique

•   Les hémopathies lymphoïdes se traduisent majoritairement par une infiltration tissulaire (lymphome), ganglionnaire et/ou extra-ganglionnaire, en fonction du type d'hémopathie

•   Les lymphomes non hodgkiniens sont plus fréquents que les lymphomes hodgkiniens, et les lymphomes B sont plus fréquents que les lymphomes T ou NK

Tumeurs mélanocytaires

•   La fréquence et la diversité des tumeurs mélanocytaires bénignes (nævus mélanocytaires).

•   La nécessité de faire l'exérèse de toute la lésion pigmentée suspecte pour diagnostiquer au plus tôt un mélanome. Le pronostic est d'autant plus favorable que le mélanome est réséqué précocement, quand il a une faible épaisseur.

•   Les principaux critères histopronostiques des mélanomes localisés : épaisseur en mm (indice de Breslow) et présence ou non d'une ulcération épidermique.

•   La gravité évolutive des mélanomes du fait de leur potentiel métastatique, et la possibilité de métastases révélatrices.

Tumeurs conjonctives

•   Les sarcomes sont des tumeurs conjonctives malignes dérivant des cellules mésenchymateuses et pouvant se développer dans tous les sites anatomiques.

•   Les mécanismes impliqués dans leur développement sont similaires à ceux des autres cancers même si la fréquence et la nature des gènes/mécanismes impliqués diffèrent : par exemple les translocations génétiques driver sont plus fréquentes dans les sarcomes que dans les carcinomes.

•   Ces tumeurs, compte tenu de leur localisation et de leur origine cellulaire, bénéficient d'une prise en charge thérapeutique souvent différente des autres cancers.

Tumeurs des systèmes nerveux central et périphérique

•   Les tumeurs du système nerveux central sont essentiellement représentées par les méningiomes (majoritairement bénins) et les tumeurs gliales (astrocytomes, oligodendrogliomes). Les gliomes ont un pronostic très variable en fonction de leur type histologique et de leur grade, le glioblastome étant la tumeur la plus péjorative.

•   Les tumeurs du système nerveux périphérique sont le plus souvent des tumeurs bénignes et sont représentées par les neurofibromes et les schwannomes. Ces tumeurs sont fréquentes lors de prédispositions génétiques : neurofibromatose de type 1 (ou maladie de Recklinghausen) ou de type 2.

Tumeurs germinales

•   Les tumeurs germinales forment un groupe hétérogène de tumeurs rares issues d'une cellule germinale primordiale multipotente.

•   Elles touchent l'ovaire et le testicule et sont plus rarement extra-gonadiques (ligne médiane du corps : cerveau, médiastin, rétropéritoine, région sacro-coccygienne).

•   Elles présentent deux pics de fréquence : jeune enfant puis péri-pubertaire et adultes.

•   Le séminome, le carcinome embryonnaire, le choriocarcinome, la tumeur vitelline et le tératome post-pubertaire, sont des tumeurs germinales malignes qui peuvent être isolées ou associées sous la forme d'une tumeur germinale mixte.

•   Pour des raisons pronostiques et de prise en charge, on distingue d'une part le séminome pur et d'autre part les tumeurs germinales non séminomateuses (TGNS).

•   Chez l'enfant : la tumeur la plus fréquente est le tératome (mature ou immature).

•   Chez l'adulte : la tumeur germinale la plus fréquente dans l'ovaire est le tératome kystique mature bénin alors que dans le testicule et dans les localisations extra-gonadiques les tumeurs germinales sont toujours malignes.

•   Les marqueurs sériques des tumeurs germinales sont : beta HCG pour le choriocarcinome et alpha-fœtoprotéine pour la tumeur vitelline.

•   Le pronostic des tumeurs germinales malignes est souvent favorable, même au stade métastatique, en raison de leur grande chimio- et radio-sensibilité.

Tumeurs de blastème

Une tumeur du blastème est une tumeur constituée de cellules immatures semblables à celles de l'ébauche embryonnaire d'un organe. Elles touchent majoritairement les enfants. Leur aspect Généralités sur les tumeurs. Cellule et tissucancéreux histologique est très indifférencié : « tumeur à petites cellules rondes basophiles ». Les deux tumeurs les plus fréquentes sont le neuroblastome et le néphroblastome.